Navigateur non compatible. Veuillez utiliser un navigateur récent

Alice Guy
La pionnière oubliée

Première réalisatrice de fiction de l’histoire, productrice, directrice de studio, fondatrice de sa propre maison de production, pionnière et avant-gardiste : Alice Guy (1873-1968) fut tout cela à la fois. Pourtant, son nom et son œuvre ont été perdus, voire effacés de l’histoire du cinéma. La réalisatrice, qui a tourné près d’un millier de courts films de fiction avant même que le monde ne s’intéresse à la fiction animée, s’est battue jusqu’à la fin de sa vie pour récupérer ses œuvres et faire connaître son histoire. Ces dernières années, des historiens du cinéma, des programmateurs et des chercheurs ont effectué un véritable travail de recherche pour retrouver les films perdus et mettre en lumière la cinéaste pionnière. Un travail de réhabilitation auquel se joint UniversCiné, en proposant sept films d’Alice Guy, disponibles à l’abonnement.


La première réalisatrice de fiction

Les étapes de la vie d’Alice s'égrènent comme celles d’un film ou d’un roman. Née en 1873 à Saint-Mandé, Alice Guy est la fille d’un éditeur-libraire. Après une enfance passée entre la Suisse et le Chili, sa famille retourne en France lorsqu’elle est adolescente. Grande lectrice, amatrice de théâtre, la jeune Alice rêve de devenir comédienne. Mais sa famille la pousse à entreprendre des études de sténographie, une profession naissante et très masculine à l’époque. Ce choix de raison lui permettra néanmoins de subvenir aux besoins de sa famille à la mort de son père, quelques années plus tard. Elle occupe plusieurs postes et à 22 ans, elle devient la secrétaire de Léon Gaumont, qui dirige alors le Comptoir général de la photographie.
Les étapes de la vie d’Alice s'égrène comme celles d’un film ou d’un roman. Née en 1873 à Saint-Mandé, Alice Guy est la fille d’un éditeur-libraire. Après une enfance passée entre la Suisse et le Chili, sa famille retourne en France lorsqu’elle est adolescente. Grande lectrice, amatrice de théâtre, la jeune Alice rêve de devenir comédienne. Mais sa famille la pousse à entreprendre des études de sténographie, une profession naissante et très masculine à l’époque. Ce choix de raison lui permettra néanmoins de subvenir aux besoins de sa famille à la mort de son père, quelques années plus tard. Elle occupe plusieurs postes et à 22 ans, elle devient la secrétaire de Léon Gaumont, qui dirige alors le Comptoir général de la photographie.
C’est le 22 mars 1895 que la vie d’Alice Guy bascule, lorsqu’elle assiste à la toute première projection de cinéma du monde, La Sortie d’usine de Louis Lumière. Elle comprend instantanément que cette invention va révolutionner la façon de raconter des histoires. Alors que son patron s’intéresse à cette avancée technologique du point de vue industriel et commercial, Alice Guy voit pour sa part son potentiel artistique.

Pas de scènes de rues, de sorties d’usine ou d’arrivée d’un train en gare : Alice Guy ne veut pas capter le réel comme ses confrères. Inspirée par ses lectures, elle veut écrire des histoires et les mettre en scène, à une époque où personne ne s’intéresse encore à la fiction filmée. Pensant qu'il s'agit là d’une “affaire de jeune fille”, Léon Gaumont autorise Alice Guy à tourner ses petits films de fiction pour promouvoir la vente de matériel. À condition, cependant, que son travail de secrétaire n’en pâtisse pas.Le jour, Alice Guy accomplit donc ses tâches de bureau.
Le soir, en dehors de ses heures de travail, elle écrit des saynètes, prend une caméra et tourne de courts films. Dans un jardin situé près de la porte Saint-Martin, avec pour décor un drap peint et des choux en bois, Alice Guy réalise son tout premier film, La Fée aux choux. Un film très court de 51 secondes, dans lequel une fée fait apparaître des nouveaux nés, sortis d’immenses choux.

Une femme à la tête du premier studio du monde

Le succès de ce premier film est tel que Léon Gaumont décide de nommer Alice Guy à la tête du Service des théâtres de prise de vue, spécialisé dans les vues animées de fiction. L’ancienne secrétaire est alors sur tous les fronts : lecture des scénarios, choix des acteurs, artistes et assistants, supervision des décorateurs, mise en scène des films, qu’elle tourne par centaines, entre 1896 et 1907. À la fois cheffe régisseuse, directrice artistique, scénariste et réalisatrice, elle forme ses collaborateurs, parmi lesquels figurent les futurs réalisateurs Ferdinand Zecca, Louis Feuillade ou encore Victorin Jasset.
Au fil des tournages, Alice Guy expérimente, découvre, apprend. Les trouvailles, comme les accidents et les coups de chance, contribuent à créer la grammaire d’un cinéma naissant. Procédés considérés comme évidents aujourd’hui, elle s'exerce aux ralentissements et accélérations de la pellicule, aux surimpressions, aux fondus enchaînés, elle filme même à l'envers. Alors que le cinéma est encore muet, elle supervise les premiers essais de phonoscènes, des films de cinéma synchronisés à des enregistrements phonographiques, grâce au Chronophone mis au point par Georges Demenÿ et développé par Léon Gaumont.

Si les premières œuvres d’Alice Guy sont très courtes, elle développe au fil des années des projets de plus grande ampleur et réalise en 1906 le premier péplum de l’histoire, La Vie du Christ. Cet ambitieux projet d'une durée inhabituelle de 35 minutes, réunit 300 figurants, avec des décors et des costumes exceptionnels, du jamais vu pour l’époque.Au niveau thématique, elle traite également de sujets parfois avant-gardistes, notamment dans Les Résultats du féminisme qui en 1906 inverse les rôles genrés entre hommes et femmes et met en scène des personnages féminins libres (Madame a des envies).
Libre, Alice Guy l’est aussi : à 33 ans, elle dirige depuis une dizaine d’années le studio le plus grand studio de prises du vuesdu monde, elle a réalisé plus de 400 films, est célibataire, sans enfant. Un cas unique pour son époque.

Le rêve américain

Le poste et le pouvoir dont dispose Alice Guy ne manquent pas d’attiser les convoitises, tant en interne qu’à l’extérieur du studio. En 1906, une dizaine d’années après ses débuts, le cinéma n’est vraiment plus une affaire de jeunes filles. Le rythme est effréné : le studio tourne un film par jour et les enjeux technologiques et financiers sont de plus en plus importants.

Alice Guy rencontre en 1096 un opérateur de Gaumont, Herbert Blaché, qu’elle épouse l’année suivante, avant que celui-ci ne soit muté aux États-Unis. En 1907, alors qu’elle ne parle pas un mot d’anglais, Alice Guy quitte son pays, sa famille et son poste tant convoité, pour suivre son mari. Un déracinement qui lui inspirera quelques années plus tard son film L'Américanisé.
Après un temps d’adaptation et grâce à l’aide de Léon Gaumont, elle parvient à louer un studio à Long Island et y tourne ses films de manière indépendante. En septembre 1910, elle fonde avec son mari sa propre société de production, la Solax Company. La seconde partie de carrière de celle qui est désormais la première femme productrice de cinéma aux USA est à nouveau très prolifique. Elle y tourne et produit plus de 300 films, dans des styles très différents : westerns, films d’aventure, films à suspense…

Elle vit un nouvel âge d’or : la Solax produit alors deux films par semaine et Alice Guy est la femme la mieux payée des États-Unis. Poursuivant l’expansion de son entreprise, elle fait construire un nouveau studio dans le New Jersey, crée son agence de communication et lance des acteurs (Bessie Love, Wallace Reid, Alla Nazimova…) qui feront partie des premières stars de cinéma. Les journalistes se pressent sur ses tournages et racontent sa success story dans la presse. Son esprit libre transparaît encore dans ses films, dans lesquels elle continue à bousculer les préjugés et à s’intéresser aux minorités. En 1912, suite au refus d’acteurs blancs d'apparaître aux côtés d’acteurs noirs, elle tourne A fool and his money avec un casting exclusivement afro-américain. Une première, encore une fois, dans l’Amérique ségrégationniste du début du XXè siècle.
Mais lorsque son mari finit par quitter Gaumont pour diriger la Solax, Alice Guy perd progressivement son indépendance. Une série d’événements (maladie, investissements hasardeux, les infidélités de son mari, puis leur divorce, l’incendie d’une partie des studios…) mènent à la perte de la compagnie en 1920. L’industrie, en pleine mutation, se restructure et quitte New York et la côte est pour l’ouest et Hollywood. Alice Guy y tente sa chance, sans succès, avant de se résoudre à rentrer en France.

Une reconnaissance tardive

À son retour en France, l’industrie a avancé sans Alice Guy. Ses anciens collaborateurs,  y compris ceux qu’elle a formés, sont désormais les grands noms du cinéma. Le sien semble avoir été oublié, gommé des catalogues - et de l’histoire du cinéma français. Une grande partie de ses films ont été perdus, certains attribués à d’autres réalisateurs ; elle ne réussit pas à retrouver une place dans une industrie qu’elle avait grandement contribué à créer. Alors âgée de 46 ans, Alice Guy survit en écrivant des histoires pour enfants et des traductions.
Toute sa vie, la réalisatrice a essayé de retrouver ses films disparus. En 1956, à l'initiative de Louis Gaumont (le fils de Léon Gaumont), la Cinémathèque française lui rend hommage. Elle reçoit la légion d’honneur l’année suivante, sans pour autant réussir à remettre la main sur ses films perdus.Aujourd’hui, plus d’une centaine de ses films ont été retrouvés.

Grâce à des chercheurs, historiens, programmateurs et journalistes, Alice Guy retrouve peu à peu sa place, celle de pionnière du cinéma mondial. Plusieurs documentaires lui ont été consacrés récemment, et depuis 2018, le Prix Alice Guy récompense chaque année un film réalisé par une femme.
Dans ses mémoires, La Fée Cinéma : Autobiographie d’une pionnière du cinéma, Alice Guy dresse le bilan de sa carrière : « Est-ce un échec ? Est-ce une réussite ? Je ne sais pas. J’ai vécu vingt-huit ans d’une vie intensément intéressante. Si mes souvenirs me donnent parfois un peu de mélancolie, je me souviens des paroles de Roosevelt : Il est dur d’échouer, il est pire de n’avoir jamais essayé ».

Voir les films d'Alice Guy, disponibles à l'abonnement

À voir

En ce moment

Vous avez un bloqueur de publicités activé.
Certaines fonctionnalités du site peuvent être perturbées, veuillez le désactiver pour une meilleure expérience.