C'est le dernier jour de l'année. Des lycéens du Bronx embarquent dans le bus qui doit les ramener chez eux. À bord, des caractères très différents se croisent.
C'est le dernier jour de l'année scolaire. L'heure des vacances est arrivée. Des lycéens du Bronx embarquent dans le bus qui doit les ramener chez eux. À bord, les caractères très différents se croisent : il y a les extravertis, les artistes et les complexés. Rapidement, la traversée de la ville en car devient prétexte à tous les jeux, toutes les chamailleries, mais aussi aux adieux entre camarades. Car tous le savent, ils ne se reverront pas avant la rentrée scolaire. À chaque arrêt, le bus se vide un peu plus. Au fur et à mesure, les conversations entre les adolescents prennent une tournure plus grave...
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"C'est un lieu commun que de décrire Michel Gondry comme un éternel adolescent. The We and the I ("Le nous et l
"C'est un lieu commun que de décrire Michel Gondry comme un éternel adolescent. The We and the I ("Le nous et le je") réussit, entre autres, à effacer ce cliché. Ce film est imprégné d'une irrémédiable sensation d'éphémère ; il est peuplé d'adolescents qui vivent dans l'instant, mais ils sont pris dans le regard d'un homme qui sait que le temps est aussi fait d'hier et de lendemains. The We and the I réunit deux qualités jusqu'ici incompatibles, l'énergie propre au déchaînement hormonal et la clairvoyance.
Comme il l'a expliqué, Gondry a confronté ses souvenirs de lycéen de la banlieue parisienne, il y a plus de trente ans, à la réalité des adolescents du Bronx. Si Harlem et Brooklyn se sont réembourgeoisés, le Bronx reste le borough le plus déshérité, le plus violent de New York. Le bus de la ligne 80 des souvenirs de Michel Gondry est devenu un véhicule de la New York Transit Authority qui traverse tout le Bronx avec, à son bord, des lycéens qui viennent de quitter leur établissement après la dernière journée de l'année scolaire. Bondé au début, le bus se vide au gré des arrêts, et le groupe massif et hiérarchisé qui est monté devant le lycée s'atomise progressivement en individus dont le scénario esquisse les trajectoires.
Celles-ci sont inspirées des expériences des jeunes comédiens, tous amateurs. Certains des films de Michel Gondry ressemblent aux machines qu'il invente parfois (dans La Science des rêves, en particulier), des objets parfaitement logiques, cohérents, mais qui n'existent pas hors de l'imagination de celui qui les a rêvés. The We and the I tourne grâce au moteur d'un road-movie (le bus reste en mouvement et traverse toute la variété des paysages d'une périphérie déshéritée), est abrité par la carrosserie d'un huis clos (on sort rarement de la cabine) et carbure aux harmonies d'un récit choral ancré dans la réalité quotidienne. "Choral" est ici employé dans son sens le plus strict. On se sert parfois du terme pour désigner un récit fait d'une succession d'épisodes rattachés à chacun des personnages, une succession de solos, donc. Ici, le choeur ne s'arrête jamais de chanter, les voix de se répondre. Chaque inflexion de la vie des jeunes personnages est déterminée, commentée, amendée par le groupe.
The We and the I commence donc par l'assaut d'un bus innocent par une bande de teenagers qui viennent tous de récupérer leur téléphone portable dans l'épicerie où, comme avant chaque journée de cours, ils l'avaient laissé. Le premier tiers du trajet, et du film, a été baptisé "The Bullies". Il met en scène le groupe dans sa violence interne. Sur la banquette arrière, un groupe de garçons fait régner son désordre avec méthode, bientôt augmenté d'une fille qui en est à la fois la muse et le souffre-douleur. Les insultes volent aussi dru que les balles chez Tarantino, elles sont souvent drôles, révèlent même une certaine culture. Quand un des "bullies" s'en prend à un musicien qui gratte sa guitare, il lui demande : "Tu connais la version des Who ?" avant de fracasser l'instrument.
Cette pression ne prend jamais un tour tragique ; personne, ni les bourreaux, ni les suppliciés, ne veut avoir l'air de prendre tout ça au sérieux. Le metteur en scène non plus, qui se laisse de temps en temps aller à des embardées burlesques, comme la revanche d'une passagère expulsée du bus par les "bullies", séquence qui prend la forme d'une animation image par image.
Dans une lumière de plus en plus douce (le film commence l'après-midi et finit à la tombée de la nuit), le groupe se défait pour d'abord laisser la place au "Chaos" (titre de la deuxième partie). A travers des vidéos enregistrées ou transmises par leurs téléphones, les jeunes sont forcés de prendre en compte le reste du monde, de sortir du cocon de leur bus. Au crépuscule, les derniers personnages qui ne sont pas encore descendus trouvent un peu d'espace pour s'épanouir. Un garçon resté silencieux pendant tout le trajet prend la parole et occupe un moment tout l'espace du film avant que le bus ne se vide tout à fait. The We and the I parvient alors à une espèce de sérénité, dans laquelle il n'est pas interdit de trouver un peu de nostalgie pour ce cruel moment de la vie."
"À voir ses films, la diversité et la richesse de genre et de traitement de chacun d'eux, il serait difficile de dir
"À voir ses films, la diversité et la richesse de genre et de traitement de chacun d'eux, il serait difficile de dire qu'il n'existe qu'un seul Gondry. Tout ce qu'il entreprend est différent et si un réalisateur sait se renouveler et surprendre c'est bien lui. Néanmoins, on le retrouve dans tous ses films et sa personnalité les traverse de part en part. Ils sont reconnaissables entre mille et nul ne sait mieux que lui apporter sa touche personnelle dans les formes et les genres les plus variés : fictions, documentaires, animations, clips, courts ou longs métrages. Ce qui le distingue d'abord c'est la manière qu'il a d'apporter de l'onirisme dans le réel, de comprendre que le sens passe aussi par un non-sens et que sans l'absurde la réalité est incomplète. Cette multiplicité unique est au cœur même du titre de son dernier film en date : The We and the I, objet étrange s'il en est.
La trame narrative est simple : le dernier jour de lycée avant l'été, des ados rentrent chez eux en bus. Le film est leur trajet en huis-clos, genre difficile car s'il permet aux meilleurs d'exprimer leur potentiel de metteur en scène, il peut aussi très vite ennuyer et se révéler fastidieux. Mais comme si ce n'était pas suffisant, Gondry rajoute quelques difficultés. D'une part, le film étant réalisé en collaboration avec une école de comédie du Bronx, il va devoir gérer une vingtaine de jeunes acteurs non professionnels et une équipe de techniciens enfermés dans à peine plus de 20m². D'autre part, il tourne en décors naturels avec de faibles moyens dans un dispositif assez expérimental. Et pourtant, même s'il accumule certains clichés (les personnages sont trop typés), il s'en sort admirablement et le rythme est énergique.
A première vue, on peut penser à Entre les murs de Laurent Cantet mais ici les murs ne sont pas les mêmes. On quitte une école qu'on ne fait que l'apercevoir, on délaisse livres, cahiers, professeurs. On est plutôt hors les murs, dans un lieu où tous les élèves parviennent à s'exprimer sans adulte pour essayer de les maîtriser, à l'exception d'une chauffeuse aussi sévère que laxiste. Les murs ce sont les paysages qui défilent sans cesse et qu'on devine, ces vitres qui mettent les élèves au contact d'un monde qu'ils observent à peine, le leur pourtant, avec sa misère, ces rues caractéristiques, la violence d'un quotidien où ne semble régner que l'idéologie de la soumission : les uns ne se rebellant même plus contre les autres car ils savent que leur moment viendra plus tard. Gueulante, rire gras et insultes abreuvent tous les dialogues. Mais peu à peu les choses changent, les gens sortent du bus, et les humeurs se modifient au gré des groupes. Les ados deviennent vulnérables.
Leur évolution morale est au cœur du récit et on se demande où est la limite documentaire. Les acteurs portent tous leur vrai prénom, comme s'ils jouaient leur propre rôle et même les liens familiaux sont respectés : les frères et sœurs du film le sont dans la vie. Le film se clos sur la lettre de la mère d'un des acteurs envoyée à Gondry. Et le trajet, autant que la temporalité, est vrai. L'ensemble est donc réaliste avec des dialogues et des situations inspirés de leur propre vécu et qui semblent improvisés.
Pourtant, découpé en trois parties distinctes que des inscriptions sur des murs viennent signaler, le film a nécessité près de trois ans de préparation, de quoi tracer les grandes lignes et écrire ou réécrire. The We and the I est un cheminement intérieur qui ne peut découler du hasard même s'il s'en amuse. En outre, la mise en scène efficace qui joue avec l'espace et de la temporalité abstraits constitués par la meute de smartphones qui zigzaguent, de même que le montage rapide qui parvient à sauter d'un personnage à l'autre tout en laissant chacun s'exprimer sans mettre quiconque à l'écart, montrent la précision d'un cinéaste qui aurait l'univers sous son contrôle. Et certains inserts très colorés dans un format plus petit imposent la touche du cinéaste : des images mentales, des rêves, de l'imagination qui semblent tout droit sortis d'un film « suédé » et réalisés avec un matériel minimum. Et quelques heures dans la vie d'un des leurs qu'on ne verra jamais monter dans le bus...
Et finalement, quand on s'embarque dans The We and the I, que va t-on voir ? Juste autre chose. A partir du moment où l'on cherche à faire entrer le film dans des cases prédéfinies, il sera difficile de l'apprécier. Ni fiction assumée, ni documentaire, jamais expérimental, pas davantage traditionnel, il est hors de tout et hors de ce que son créateur a déjà pu nous offrir. C'est un entre-deux perpétuel, une envie de montrer qu'on peut encore renouveler le cinéma grâce aux technologies les plus récentes et produire naïvement des histoires avec trois fois rien et en allant vers la simplicité. Dans l'esprit, une certaine idée de la Nouvelle Vague, dans la forme, on est chez le cinéaste qu'on connait avec son imaginaire réaliste autant que poétique et l'idée de montrer que le cinéma peut surgir de n'importe où et être accessible à n'importe qui."
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