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Né à l’Estaque, quartier nord de Marseille, le 3 décembre 1953, Robert Guédiguian a grandi dans un monde structuré par le mouvement ouvrier. «Solidarité» n’y était pas qu’un très joli mot, il était rempli de sens.
« Avant, on était pauvre, mais on était pauvre ensemble », comme dit un personnage dans Dieu vomit les tièdes. Réussir à l’école était un devoir de chaque jour, par respect pour les parents, d’abord, et par souci politique ensuite. Car Robert est tombé dans le communisme quand il était petit, il s’est mis à militer activement en 1968, à 14 ans, avec son ami d’enfance Gérard Meylan : ils sont devenus chefs de groupe en compagnie d’un troisième larron, Malek Hamzaoui. « A l'Estaque, tout le monde était communiste et quand vous voyez votre père rentrer des quais, chaque soir, la tête fracassée de fatigue, ça vous donne envie de vous battre. On s'est battu, on y a cru. L’enthousiasme était de mise : on se disait qu’on allait y arriver. Et pas dans cinquante ans ! C’était là, à portée de main.» Mais, avec l’abandon du programme commun, en 1978, Robert Guédiguian a vu cet espoir s’amenuiser de jour en jour et, en 1980, il n’a pas repris sa carte du Parti.
A cette époque, il avait quitté Marseille pour Paris, où il s’était installé avec son épouse, Ariane Ascaride. Elle était élève au Conservatoire, il poursuivait ses études en Histoire et en Sciences Politiques. Le cinéma, alors, n’était pas un but en soi, mais, très vite, au hasard des rencontres, il est devenu un moyen de recréer du «collectif». René Féret lui propose d’écrire un scénario, qui deviendra Fernand (1979) et Guédiguian se dit : «Moi aussi, je vais raconter une histoire !»
En compagnie de Frank Le Wita, il co-écrit et co-réalise en 1980 Dernier été : «Dans les années 1960, le quartier de L'Estaque-Riaux était très vivant. Vingt ans après, il était devenu un désert. En constatant la fin d'un mode de vie, la disparition du tissu social, la mort des petits commerces, la crise de l'emploi, nous avons eu envie de recréer ce monde tel qu’il était avant. »
Dans ce premier long métrage, il va de soi que les rôles principaux seront tenus par ses amis d’enfance et notamment par Gérard, Malek et Ariane. Gérard Meylan (devenu infirmier) et Ariane Ascaride seront ensuite de tous les films de Robert, et Malek Hamzaoui abandonnera l’architecture pour devenir son directeur de production. Se met alors en place un système et une troupe, qui s’affineront de film en film : tournage pendant les vacances scolaires, mise en commun des moyens, fussent-ils maigres ! Rouge Midi, puis Ki lo sa ?, et Dieu vomit les tièdes se tourneront ainsi, « dans des conditions quasiment inacceptables d’un point de vue syndical », mais dans un élan communautaire qui se sent à l’écran. « Depuis plus de vingt-cinq ans, raconte Ariane Ascaride, ce que nous faisons tous ensemble au cinéma participe de notre façon de penser le monde. C’est mon orgueil que ce lien qui nous unit existe encore aujourd’hui, malgré tous les écueils. Que cette évidence-là nous appartienne toujours et nous fasse tenir debout.» Jean-Pierre Darroussin, compagnon de Conservatoire d’Ariane, rejoint la troupe dès le troisième film. Autour de ces piliers, ces trois acteurs pivots, on retrouve Pierre Banderet, Frédérique Bonnal, Jacques Boudet, Pascale Roberts, Christine Brücher… et, côté technique, le chef décorateur Michel Vandestien, le monteur Bernard Sasia, l’ingenieur du son Laurent Lafran, la chef maquilleuse Maïté Alonso… «Le cinéma n’est pas pour moi un métier, c’est une façon de vivre avec mes amis. », déclarait Guédiguian en 1995.
À cette époque sort son sixième film, À la vie, à la mort, où une famille démunie mais joyeuse se serre les coudes dans un petit cabaret du bord de mer. La presse s'enflamme et des rétrospectives des films précédents (auxquels il faut ajouter L’argent fait le bonheur, initialement tourné pour la télévision) sont organisées un peu partout. Deux ans plus tard, Marius et Jeannette, sous-titré «conte de l’Estaque» –et destiné, selon la note d’intention de son auteur, à «réenchanter le monde»–, est présenté au Festival de Cannes en ouverture de la section Un Certain Regard. Il rassemble, lors de sa sortie à l’automne, deux millions sept cent milles spectateurs et vaut à Ariane Ascaride un César de la meilleure actrice. Depuis cet énorme succès, rien n’a changé, à part peut-être les moyens avec lesquels les films sont produits : « J’ai toujours partagé ce que j’avais avec mes acteurs et mes techniciens : depuis qu’il y a plus d’argent, ils sont mieux payés, et nous dormons à l’hôtel et avons notre propre cantine au lieu d’être logés dans des foyers Sonacotra et de manger des tomates et du jambon ! » Ses personnages continuent d’interroger le monde et de lui renvoyer une image désespérante ou porteuse d’espoir, comme dans A l’attaque ou Mon père est ingénieur. Certains semblent avoir abandonné tout espoir d’un rêve communautaire, comme les solitaires éprouvés de La ville est tranquille, ou la syndicaliste fatiguée des «tout petits problèmes» de ses pairs dans Marie-Jo et ses deux amours. Producteur au sein du collectif Agat Films & Cie / Ex Nihilo, Robert Guédiguian continue la lutte à sa façon : «Du point de vue du rêve, je suis toujours communiste !», dit-il.
En 2005, il a abandonné un temps Marseille et sa troupe pour tourner à Paris et en Bretagne Le Promeneur du Champ-de-Mars qui suit les derniers jours du Président de la République François Mitterrand incarné par Michel Bouquet. Ce projet, apporté par son complice des débuts, Frank Le Wita, est hanté par la mort et la désillusion et prend, de fait, une place à part dans la filmographie du cinéaste.
Quant au Voyage en Arménie, l’idée originale en revient à Ariane Ascaride qui écrit avec l’écrivain Marie Desplechin cette histoire de père entraînant sa fille à visiter, malgré elle, le pays de ses ancêtres. On y retrouve des thèmes récurrents chez Guédiguian –l’amour naissant entre de très jeunes gens, les «familles» recréées de toutes pièces…– et un regard sur l’Arménie, inscrite depuis toujours dans son patronyme et qui s’était jusque-là invitée presque clandestinement dans les films précédents, via un personnage secondaire ou la musique d’Arto Tunçboyacyyan. «Mes origines sont mêlées, arméniennes du côté de mon père, allemandes du côté de ma mère, et je ne me sens ni victime, ni coupable.», aime-t-il à répéter. D’autant que son appartenance la plus revendiquée a toujours été Marseille, où il prétend «respirer mieux qu’ailleurs», Marseille où il revient toujours. C’est dans cet esprit et avec cette envie qu’il a écrit son quinzième film, Lady Jane : pour retrouver sa «troupe» en commençant par son coscénariste depuis L’argent fait le bonheur, Jean-Louis Milesi, et pour retourner, dans tous les sens du terme, à Marseille.
Avec le film suivant, L'Armée du crime, Guédiguian tente un nouveau pari : plonger dans une autre époque, raconter un petit bout de la "grande histoire", avec un gros budget et des interprètes encore "inédits" dans son univers.
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