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Selon le schéma obligatoire de l'époque, il suit la filière normale – stagiaire, second puis premier assistant -, auprès de réalisateurs renommés, comme Jean Delannoy, Jacques de Baroncelli, Jean Cocteau et surtout René Clair, de La Beauté du Diable aux Grandes Manœuvres. Son temps d'assistanat réglementaire écoulé, il réalise Cette sacrée gamine (1955), sur un scénario de Roger Vadim, spécialement écrit pour sa jeune épouse, Brigitte Bardot.
Celle-ci n'était plus une débutante, elle avait déjà une douzaine de titres derrière elle, mais Et Dieu créa la femme n'avait pas encore fabriqué les premiers éléments du mythe. Et Cette sacrée gamine fut la première comédie où son nom était au-dessus du titre, juste avant En effeuillant la marguerite et La mariée est trop belle, autres jolies bornes sur son chemin. Le film est un succès, ce qui permet à Michel Boisrond d'en enchaîner deux autres en 1956, C'est arrivé à Aden et Lorsque l'enfant paraît. Si l'adaptation du roman de Pierre Benoit est une petite chose agréable, le filmage de la pièce d'André Roussin (avec Gaby Morlay et André Luguet) ramène aux pires moments du Boulevard.
On pouvait croire l'auteur rentré dans le rang du cinéma du tout-venant ; mais Annette Wademant, dialoguiste talentueuse et par ailleurs son épouse, allait lui écrire une douzaine de scénarios, entre 1957 et 1974, qui donne à sa filmographie une cohérence, dans l'inspiration et la facture, relativement rare dans le cinéma français du moment.
Le premier de la série, Une Parisienne (1957) est peut-être un des meilleurs, comédie drôle et enlevée, dans laquelle B.B. n'est pas encore prisonnière de son image ; c'est un pur produit du temps, avec décapotable rouge, foulard dans les cheveux et musique de jazz, le type-même de ce que l'on n'appelait pas encore le feel-good movie. Boisrond, avant de retrouver Bardot pour Voulez-vous danser avec moi ? (1959) puis le sketch "Agnès Bernauer" d'Amours célèbres (1961), va signer avec Faibles femmes (1959), une autre comédie de qualité, premier rôle en solo pour Alain Delon, (bien) entouré par Mylène Demongeot et Pascale Petit. Choix qui indique que le cinéaste avait le flair pour révéler de futures vedettes : dans son film suivant, Le Chemin des écoliers (1959), il joindra à Delon, Jean-Claude Brialy et Pierre Mondy, chacun à l'aube de leur carrière. Le duo Jean Aurenche & Pierre Bost a remplacé temporairement Annette Wademant pour adapter Marcel Aymé, la comédie de mœurs a laissé place au drame, mais le film, cinquante ans plus tard, n'a que peu perdu de son charme.
Du cinéma français d'époque, mais moins daté que certains titres plus célèbres. Si Cherchez l'idole (1964) vaut désormais comme pièce de musée pour les historiens de la période "Salut, les copains !" – on y voit passer en caméo toutes les vedettes du twist -, la trilogie des "Comment", Comment réussir en amour (1962), Comment trouvez-vous ma sœur ? (1964), Comment épouser un premier ministre (1964), réunissant les étoiles comiques qu'étaient alors Jean Poiret, Michel Serrault, Jacqueline Maillan, Jacques Charon, est devenue un objet sociologique pour retrouver l'état des lieux en ce début des années 60.
La France était en paix, la consommation s'installait, le gaullisme était un horizon indépassable. La France profonde n'était pas celle de Resnais ou de Truffaut, elle était celle de Boisrond, de Jean Girault ou de Bernard Borderie. Et ces trois titres futiles, regardés comme des produits de pur divertissement, peuvent être vus maintenant comme des signes d'une société satisfaite, que la fin des années 60 allait bousculer. Comme s'il avait perçu qu'il avait capté l'insouciance d'une époque, il cherche ailleurs un renouveau d'inspiration, dans l'espionnage (Atout cœur à Tokyo pour OSS 117, 1966), ou le polar (L'Homme qui valait des milliards, 1967). Il va même la chercher plus loin, en tentant d'adapter le roman parodique de Raymond Queneau, On est toujours trop bon avec les femmes (1971), adaptation sévèrement jugée sur le moment mais qui mériterait d'être réévaluée, car elle ne ressemblait à rien de ce que Boisrond avait signé jusque-là. Tout comme sa version du Petit Poucet (1972), avec Jean-Pierre Marielle en ogre, qui vaut peut-être mieux que l'échec qu'elle subit.
Curieusement, il clôtura sa carrière – au cinéma, car il tourna ensuite pour la télévision jusqu'en 1995 – par un de ses meilleurs films, Catherine et Cie (1975), avec une Jane Birkin dans sa veine comique, aussi convaincante que dans les contemporains La moutarde me monte au nez et La Course à l'échalote.
Une vingtaine de films en vingt ans : c'est ce que l'on peut appeler une carrière bien remplie. Michel J. Boisrond (c'est ainsi qu'il signa son premier long) est aujourd'hui peu estimé. Il n'est pas certain que l'oubli qui le recouvre en partie soit justifié – au moins, tant que Bardot traversera Paris au volant de son bolide au son des inoubliables vocalises de Christiane Legrand, il en restera quelque chose…
Lucien Logette
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