"... Catherine Breillat parle donc à la première personne, sans pour autant apparaître dans son film (...) elle s'est choisi une surprenante seconde peau : Anne Parillaud, magnifique dans ce jeu de cache-cache identitaire (...) son visage semble naître à chaque instant, traversé d'inquiétudes souterraines, de jouissances fulgurantes, de regrets inaltérables. C'est que l'actrice a, elle aussi, une image à briser, une vérité à crier, une beauté d'âme à imposer. L'intensité permanente de Sex is comedy vient de cette double urgence à montrer sa propre fragilité, source de création. Car le cinéma est affaire de don de soi, d'immolation incontrôlable et illimitée. De cette évidence battue et rebattue (...) Catherine Breillat traite à la fois avec abandon et légèreté. Comme s'il y allait de sa survie, mais que seul le rire pouvait la sauver. Peut-être parce que l'axiome sur le vampirisme du septième art est encore plus vrai pour elle, dont l'oeuvre entière sonde un seul et même mystère : l'achèvement du désir. Le sexe, et l'image que l'on accepte de s'en faire... « Sex is comedy », comme elle dit. Une comédie au bord du gouffre, vacillante et suicidaire, dont le film montre les dessous (...)
Scène de nu ? (...) Scène de cul ? (...) Scène de lit ? Peut-être (...) Scène d'amour. L'expression est lâchée, tout simplement. Sex is comedy est un film d'amour. Amour du cinéma, amour des acteurs... Amour des hommes ?
Soucieuse de mettre fin aux fantasmes qui courent autour de son obsession de la représentation crue et destructrice, Catherine Breillat montre comment elle s'y prend pour obtenir ce que la plupart des comédiens refusent, mais dont tous, selon elle, meurent d'envie. Voilà son premier secret : si Catherine Breillat parvient si bien à filmer l'accomplissement du désir, c'est que ses scènes de sexe sont elles-mêmes la réalisation du rêve caché des acteurs (...) le deuxième truc de Catherine Breillat, pour capter la vérité intime, semble bien être l'humour-soupape, le « pince-avec-rire »... l'amour vache. (...) Parillaud-Breillat passe son temps à rire sous cape, sans hystérie, ni cruauté. Un de ces rires contagieux et aériens, à transformer vos angoisses existentielles en acceptations amusées de l'absurdité de la vie. (...) Tout son film (tout son cinéma ?) n'a qu'une finalité funambulesque : exprimer l'indicible tremblement de terre que constitue la « première fois » pour une fille.
Jamais Breillat n'avait exprimé de façon aussi émouvante la clé de toute son oeuvre : la perte de la virginité n'est qu'une affaire de regard. « C'est la contradiction entre le désir et la conception qu'elle se fait de sa propre dignité. Elle est dans la prison d'elle-même, tu comprends ? Tu crois que ça correspond à l'image de soi, de se faire sauter par un garçon ? Le sexe, c'est ce que les gens font le plus, et admettent le moins », énonce Jeanne pendant les répétitions. Avec Sex is comedy, Catherine Breillat est sortie de la prison d'elle-même. Plus humaine, plus tendre, elle filme avec la même grâce fragile que si c'était la première fois"
Marine Landrot
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