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Jacques se souvient de ces étés où toute la famille se retrouvait dans leur maison de campagne. Puis vint le jour où la propriété dut être vendue...
En classe de rhétorique, Jacques est songeur. Son professeur lui fait une observation qui déclenche les souvenirs du jeune homme. C'est l'été, avec ses parents, ses oncles, tantes et cousines... tous se retrouvent, traditionnellement, dans la vieille propriété de famille. Mais cette année, il avait été décidé de la vendre sans demander l'avis des enfants. Jacques et sa cousine Juliette s'étaient opposés à ce projet, puis un acquéreur était survenu en pleine fête des 16 ans de Juliette, lui faisant des avances... C'étaient ses dernières vacances à la propriété, les plus dures mais peut-être ses plus belles, celles de ses quinze ans.
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"Sorti en 1947, les Dernières Vacances sera plus tard désigné par la Nouvelle Vague comme un des rares films français de l'après-guerre à éc
"Sorti en 1947, les Dernières Vacances sera plus tard désigné par la Nouvelle Vague comme un des rares films français de l'après-guerre à échapper au conformisme ambiant. Longtemps «hit» absolu des ciné-clubs, cette oeuvre est devenue rare.
En la découvrant aujourd'hui, on s'aperçoit qu'elle n'a rien perdu de son charme très français, ni de sa profonde modernité. Avec un canevas romanesque classique (le dernier été d'une famille bourgeoise avant la vente de la propriété ancestrale du Midi) et sur des thèmes proches de Mauriac ou Giraudoux, Leenhardt a su éviter tous les écueils du sentimentalisme et de la nostalgie facile.
Construite sur deux séries de flash-back, cette histoire de fin de l'adolescence et de passage à l'âge adulte commence par une classe de rhétorique. Le professeur (interprété par Leenhardt lui-même) rappelle la formule célèbre selon laquelle Racine peint les hommes tels qu'ils sont et Corneille tels qu'ils devraient être.
Plus proche du premier, Leenhardt ne sacrifie aucun personnage et pousse le refus de tout manichéisme jusqu'à faire de l'acheteur potentiel l'homme le plus séduisant du film. Ici, comme chez Renoir, chacun a ses raisons et tout le monde a sa chance. Baigné par la lumière du Sud, le domaine de Thorignes nous est d'abord présenté comme un paradis perdu; après la perte de sa jolie cousine, le héros le percevra comme un monde désenchanté.
Même si les affrontements y sont violents et parfois sauvages (pas d'angélisme chez Leenhardt), Thorignes est l'ultime protection contre les dangers de l'extérieur. Pour les adolescents et leurs parents, sa perte inévitable marque l'entrée dans la vie plutôt que l'approche inéluctable de la mort (pas de noirceur gratuite non plus). Bazin écrivait: «Il est temps qu'on ne construise plus des films avec des pièces de Meccano". Les Dernières Vacances ne sont pas du cinéma préfabriqué."
" Roger Leenhardt était connu pour ses documentaires (dont le plus justement célèbre est Naissance au Cinéma) et pour ses écrits cinématogr
" Roger Leenhardt était connu pour ses documentaires (dont le plus justement célèbre est Naissance au Cinéma) et pour ses écrits cinématographiques, voire pour ses réalisations radiophoniques (c'est lui qui inventa L'écran sans images), et cela avait suffi à nous convaincre de l'exceptionnelle qualité de son intelligence, aiguë et subtile, mais non cérébrale au sens où ce mot devient exclusif de sensibilité. On attendait donc avec une curiosité et une sympathie non moins exceptionnelles son premier « grand film » : Les dernières vacances.
Roger Leenhardt n'a pas déçu notre espoir. Pour ma part, je crois même que ce film est l'un des plus charmants qu’il m'ait été donné de voir.
L'affabulation en est bien simple. Selon la volonté de leur aïeul, les membres d’une famille ont conservé indivise la propriété qu'il leur a léguée et ils s’y retrouvent chaque été. Mais, en 1933. l'existence commençant à se faire dure pour la bourgeoisie française, ils se décident à vendre le domaine. Ce sont donc les dernières vacances de la famille assemblée. Si les parents se sont résignés à cette rupture, les enfants ne l'acceptent pas et ils entreprennent l'acheteur venu de Paris. Ils luttent avec la passlon propre à des enfants menacés dans leur bien le plus cher, mais les deux aînés, Jacques el Juliette, s'aperçoivent qu’ils viennent de quitter l'enfance pour entrer dans cet âge bien différent, quelque peu trouble et inquiétant qu'est l'adolescence. Pour eux, les dernières vacances en commun sont aussi leurs dernières vacances d'enfants.
Cette histoire a beau être simple par ses traits essentiels, elle touche à des sujets qui, eux, sont des plus complexes. Et c'est là que Leenhardt, mieux que quiconque pouvait faire merveille. Il s’agissait, avant tout, de rendre sensibles des atmosphères déterminées : la bourgeoisie française d’entre les deux guerres, les vacances en famille, la crise de l’adolescence. Autant de situations où l'observateur, l'analyste, le psychologue, allait inspirer utilement le cinéaste et surtout le maintenir dans la note juste. L’entreprise était périlleuse. La bourgeoisie aurait pu être représentée avec un excès d’indulgence ou de sévérité, l’adolescence être incomprise, cinématographiquement parlant, comme elle se flatte de l’être dans la vie, et la reconstitution des années trente aurait pu s'aider d'effets faciles, certes « commerciaux », mais indignes d’une grande oeuvre. Ces erreurs ont déjà été commises. Leenhardt les a toutes évitées.
Grâce à une accumulation de détails justes et charmants, tous ses personnages sont parfaitement vrais. Jacques, l'adolescent sombre et hargneux, persuadé que « personne ne l’aime » et qui se déclare prêt à tuer à tort et à travers ! Juliette, l'adolescente consciente de ses responsabilités d’ainée et encore assez attachée à l'enfance pour être écœurée par son premier baiser d'amour. L'oncle Siminet, spécialiste du calembour et du lieu commun, maniaque du sifflotement. La tante Odette, considérée comme une brebis galeuse parce qu'elle chante Ramona et qu'elle habite à l’hôtel — et peut-être aussi pour d'autres raisons plus valables...
Seuls deux personnages détonnent dans cette harmonie : l'aîné de la famille (conventionnel) et la vieille tante un peu folle (inutile à l’action). Et c'est d'autant plus dommage que leur présence alourdit certains passages. Cependant, ces deux fausses notes ne nuisent pas gravement à l'ensemble.
Les images admirables, surtout celles d’extérieur, ne se comptent pas. Et ce n'est pas étonnant, puisqu’elles sont d'Agostini, le plus grand des opérateurs français. Parmi d'autres, je vous signale le plan qui montre Juliette et son père en train de pomper de l’eau au bord d'une rivière. Il y a là un mouvement de caméra extraordinaire : à chaque déplacement du levier de la pompe, il semble que le niveau de la rivière s'élève !
La subtile vérité des personnages n'est pas seulement due au talent de Roger Leenhardt, mais aussi à celui de ses interprètes. Renée Devillers, qui a courageusement abandonné les emplois de jeune première, est ici une mère dans le meilleur style de Gaby Morlay. Pierre Dux, dont on se dit que le cinéma ne fera jamais trop souvent appel à lui, est un parfait oncle siffloteur.
Enfin, il y a les enfants. Surtout les aînés. Michel François exprime le trouble de l'adolescence avec peut-être moins de mérite que Gérard Philippe dans Le Diable au corps, puisqu'il est plus jeune que lui, mais son rôle est moins dramatique et il en traduit toutes les nuances avec beaucoup de justesse. Quant à Juliette, c'est à dire Odile Versois, c'est la grande révélation du film. Elle faisait là ses débuts. Ils ne seront sûrement pas sans lendemain.
Sain sans être niais, sensible sans être mélodramatique, tel est en effet ce film un peu miraculeux. "
" Pierre Laroche rétorqua naguère à ceux qui placent Orson Welles très haut dans leur admiration « qu'il y a bientôt vingt ans que M. Marce
" Pierre Laroche rétorqua naguère à ceux qui placent Orson Welles très haut dans leur admiration « qu'il y a bientôt vingt ans que M. Marcel Lherbier ne pratique plus le genre de recherches qui consiste à placer l’appareil sous la table ou à la place du lustre ». C'est, aussi bien, que nous ne l'entendons pas de cette sorte lorsque nous parlons de la caméra libérée, n'en ayant pas davantage à ses déplacements plus ou moins vertigineux qu'à ses arrêts insolites, lesquels sont les uns et les autres des moyens sans valeur par eux-mêmes. Seule nous intéresse la fin poursuivie qui est pour un Welles, un Wyler, un Hitchcock, d'atteindre à l'expression la plus exacte de ce qu'ils ont à dire, objectif dont l'expressionnisme allemand des années 20 se préoccupait dans un tout autre sens. Et si, remontant plus haut encore dans l'histoire du cinéma, certains de ces metteurs en scène réutilisent le plan fixe lui-même, c'est dans un esprit entièrement neuf, comme le démontre de façon décisive André Bazin dans son bel article des deux derniers numéros de La Revue du Cinéma sur le jansénisme de Wyler.
De cette nouvelle écriture nous avons cette semaine une manifestation éclatante avec un film précisément sans éclat, ce qui montre bien que la virtuosité plus ou moins surannée n'a rien à faire ici. Il s'agit des Dernières vacances, de Roger Leenhardt, théoricien subtil de l'écran et auteur d'un remarquable court métrage, Naissance du Cinéma, qui remporta le Grand Prix du Documentaire au dernier Festival de Bruxelles. Notre auteur éprouva l'amour des lettres avant celui du cinéma, et son premier film de fiction suffirait à nous l'apprendre, qui aurait pu être aussi bien un roman et, justement, un premier roman : celui que nous avons tous fait ou rêvé de faire et où nous aurions souhaité exprimer ce miracle indéfiniment renouvelé sur la terre mais que sa banalité ne rend pas moins merveilleux pour ceux et celles qui l'éprouvent un matin de leur vie : le passage de l'enfance à l'âge d'homme ou de femme.
Dernières vacances est une œuvre inégale, un peu guindée parfois, mais adorable de fraîcheur et de délicatesse et dont la grande nouveauté me parait être l'honnêteté. S'il existe depuis longtemps une littérature qui préférant l'âme à l’art, se fait une règle de tout sacrifier — et la littérature elle-même — à l'exactitude de son témoignage, le cinéma ne nous avait encore montré que de façon très exceptionnelle l'exemple d'un tel dépouillement. La plupart des images de Leenhardt répondent visiblement à une exigence intérieure. Je veux dire que presque aucun détail n'a été mis à sa place pour faire bien, pour amuser, pour étoffer (sûre façon d'étouffer) mais qu'il ne pouvait pas ne pas être là, sous la forme exacte, ni plus ni moins accusée, où nous le voyons, l'action dût-elle apparemment en souffrir.
C'est ainsi qu’au moment le plus pathétique de son film, Leenhardt rompt délibérément le rythme et oblige à faire marche arriére — et même à faire du sur-place — son public (qui, par habitude, l'avait devancé sur cette voie dramatique où on l'a toujours entraîné au cinéma), pour faire retomber son histoire dans le plus banal train-train. Si les spectateurs sont déçus dans leur attente, l'action gagne en vérité profonde ce qu'elle perd en intérêt immédiat. Car telle est l’existence quotidienne pour la foule des êtres sans histoire à laquelle appartiennent les héros de Dernières vacances. Sans histoire autre que celle de leurs pauvres cœurs, bientôt murés dans le silence indolore de la médiocrité commune, mais qui ont tous éprouvé, au moins une fois en leur vie, ce douloureux enchantement.
Jacques et Juliette, dans quelques années à peine, seront de bons petits bourgeois, semblables à tous les autres, et il ne faudra pas plus de six mois pour leur faire perdre ce trouble et pur rayonnement de la quinzième année. Mais les voici en ce bref moment de leur âge où, s'ils oscillent déjà sur la ligne de faîte ils croient encore pouvoir échapper à cette transformation délicieuse, déchirante (...)
Roger Leenhardt, qui accumule les détails vrais, tant sur le plan du dialogue que sur celui de l'image (ici admirablement servi par Philippe Agostini, son opérateur, et par ses décorateurs Léon Barsacq et Nicolas Chatel) a eu la chance de trouver deux interprètes excellents. La petite Odile Versois (...) est tellement son personnage qu'elle semble grandir devant nous au cours du film, au point que l'accéléré nous la montrerait sans doute s'épanouir sous nos yeux comme une fleur et, en quelques instants, d’anguleuse enfant aux grâces acides devenir presque femme. Quant à Michel François, s'il n'a plus cette innocence, son intelligence et son talent la valent bien (...) notons la présence de nombreux enfants, dont chacun a sa personnalité et sur lesquels Roger Leenhardt ne s'est pas penché avec moins d'amour que sur ses adolescents terribles.
Croyez-moi si je vous dis que Dernières vacances est un film qui fera école : au jansénisme de Wyler correspond le protestantisme de Leenhardt et c'est par cette sobre rigueur que s'annonce la nouvelle ayant- garde. "
" Des personnalités de premier plan sont peu connues du public parce que celui-ci n’a pas rencontré leurs noms aux génériques de films tapa
" Des personnalités de premier plan sont peu connues du public parce que celui-ci n’a pas rencontré leurs noms aux génériques de films tapageurs. Pourtant, il s'agit de gens qui, dans leur pays, incarnent un peu de la conscience du cinéma.
Fort peu de professionnels mettraient en doute qu’on doive porter Roger Leenhardt en tête de la liste française des personnalités de cette sorte. II est respecté pour ce qu'il est, pour ses œuvres — au sens que reçoit le mot dans le vocabulaire chrétien — et surtout peut-être pour son influence.
Roger Leenhardt appartient à une famille cévenole lointainement d’origine, alsacienne et qui compte des ramifications nord-européennes. Né dans un pays protestant, il est lui-même, par le tempérament, l'état d’esprit, le libéralisme, fortement marqué par la religion de ses ancêtres. Du Méridional, il a le goût du verbe. Il discute en marchant, s’arrête soudain, mû par l’intelligence aiguë ; la critique parfois acerbe, et des indignations magnifiques, qui surprennent un peu.
Comme son compatriote cévénol, le romancier André Chamson, il est en somme un peu prophète, et c'est le fait du protestantisme, et c’est celui de la latinité. De sorte que son obsession, fondée sur ces deux traits, c’est celle de convaincre. Le verbe est, pour lui, chose sérieuse. Pourtant, au lieu d'exaspérer, il fascine, parce qu’il joint, à la conviction un peu dogmatique, le goût du paradoxe, qui est son raffinement de politesse et sa petite vanité intellectuelle ; et le bon sens.
Physiquement, il est petit, sec, râblé, et l’on remarque tout de suite son étonnant regard bleu clair tour à tour impérieux, indigné, amusé.
Sa carrière s'est déployée sur un double terrain, ce qui est d’autant plus remarquable qu’il est venu au cinéma relativement tard.
Critique, il a pris le relais, avant guerre, d’autres critiques de réflexion, Louis Delluc et Léon Moussinac, en une période où dominait l’école impressionniste. Plusieurs de ses articles d'Esprit, de la Revue du Cinéma, de L'Ecran français, ne perdent rien à être relus plusieurs années plus tard, ce qui est rarissime. Nombreux sommes-nous qui croyons qu’il serait, s’il avait persisté, le meilleur critique français du cinéma, malgré des enthousiasmes excessifs, rançon de qualités brillantes et du sérieux même. Mais il a voulu mettre ses théories à l’épreuve.
On lui doit le premier film réalisé au Sahara avec enregistrement sonore sur les lieux mêmes du tournage. Il est depuis souvent retourné travailler en Afrique du Nord, terre dont il a fait sa seconde patrie morale.
A la fois producteur et réalisateur, ii donne à ses cadets l’exemple de ce que peut être le court métrage honnêtement entendu, en traitant scrupuleusement son sujet, nême quand il ne s’agit que d’une commande banale, comme il est de règle dans le court métrage.
Mais trois de ses films lui assurent une place dans les histoires du septième art. Naissance du cinéma, ouvrage franchement dictatique, apporte un irremplaçable témoignage, par les moyens du film, sur la préhistoire du film. Plus récemment, son Victor Hugo est l’exemple même de la biographie littéraire intelligente. Il a su condenser une matière immense en quarante minutes de film, d’une manière compréhensible, éloquente et sensible, avec pour unique matière l’iconographie de l’époque et les textes du poète. La vie privée, la carrière politique, l’évolution littéraire, tout l’essentiel est dit et mis en place avec une maîtrise qui force à rendre les armes. Leenhardt lit lui-même les proclamations de son héros, avec une sorte de fierté verbale presque contagieuse. Naturellement, on peut concevoir un film tout différent sur Victor Hugo, qui intégrerait le recul critique et ajouterait quelques étonnements à la légitime admiration. Mais Leenhardt a préféré faire revivre une personnalité capitale du XIXe siècle en restituant l’époque, presque littéralement, avec ses problèmes et ses mœurs. Et c’est une sorte de chef-d’œuvre.
Son unique long métrage, Les dernières vacances, n’est pas pareillement réussi, parce que l’auteur a été partiellement trahi par ses interprètes, parce que certains symboles demeurent obscurs, parce que la construction dramatique appellerait des réserves. Mais c’est un film qui, tout imparfait qu’il demeure, occupe une place enviable dans le cinéma de l’après- guerre. Il se situe au passage de l’adolescence à l’âge adulte ou point de conflit de l’innocence et de l’expérience ; il ne doit rien aux valeurs du spectacle, mais tout à la vérité intérieure des êtres.
Il est remarquable aussi par la subtile richesse de son arrière-plan poétique, car il est pourvu de plusieurs épaisseurs, comme les bons romans, et par son poignant cadre social, celui du grand domaine familial promis à la ruine.
Roger Leenhardt, par ses écrits, par son influence directe, par sa rectitude professionnelle, par ses films les meilleurs, est l’un des exemples que, avec raison, se proposent les plus intelligents, les plus exigeants des jeunes qui viennent aujourd’hui au cinéma. Malheureusement, il semble qu’il soit trop scrupuleux, trop incertain peut-être aussi, pour se décider à ajouter sensiblement à son œuvre de créateur, qui demeure séduisante mais mince. Nul qui puisse résoudre pareil problème à sa place, et il n’est même pas sûr qu’on puisse le conseiller fructueusement.
En revanche, si l’industrie du cinéma était moins disséminée, moins soumise aux hasards du financement, il devrait occuper un rôle capital dans l’orientation de la production. Mais, malgré la position singulière qui est la sienne, Roger Leenhardt demeure probablement l’intelligence la plus fertile du cinéma français. "
" Roger Leenhardt , déjà connu par l'excellent documentaire sur La Naissance du Cinéma, a réalisé avec Les Dernières Vacances (son premier
" Roger Leenhardt , déjà connu par l'excellent documentaire sur La Naissance du Cinéma, a réalisé avec Les Dernières Vacances (son premier grand film) une oeuvre attachante, pleine d'intelligence et de sensibilité.
Le thème traité esf à la fois des plus simples et des plus périlleux : la fin de l'enfance, cette crise qui se produit vers quinze ou seize ans, lorsque meurent les rêves enchantés de la première jeunesse et que se posent, de façon souvent dramatique, les problèmes nouveaux de la vie et de l'amour.
Cette fin d'une étape de l’existence coïncide dans le film avec la fin historique de certaines traditions bourgeoises : à travers ce milieu provincial d'un Midi particulièrement attaché aux coutumes du clan familial, c'est un véritable tournant de la société, vers les années 1930, que l''auteur évoque avec finesse.
Un réalisme tempéré de poésie, son humour discret qui arrête toujours la sensibilité sur la pente de la sensiblerie, le drame sur celle du mélo, créent l'unité de ton et empêchent une trop grande dispersion de l'intérêt. Roger Leenhardt, qui est ici scénariste et réalisateur est véritablement l'auteur du film : c'est pourquoi son oeuvre rend un son si personnel.
Les personnages des parents sont interprétés avec beaucoup de tact et de vraisemblance (...) Les grands enfants, Odile Versois et Michel François, sont exactement ce que chacun aurait voulu qu'ils soient : ni cabotins, ni marionnettes, ni enfants prodiges, mais de bons acteurs qui joue avec naturel un rôle de leur âge.
Par le choix de ces jeunes interprètes (qui fut difficile), Roger Leenhardt a confirmé la réussite d'une formule cinématographique originale qui accorde le réalisme de l'école italienne aux nuances de la sensibilité française. La belle photographie de Philippe Agostini et la musique de Guy Bernard contribuent à créer le climat effectif du film (...) l’auteur parvient à replonger le spectateur dans ce climat poétique de l'enfance qui fait penser au Grand Meaulnes d'Alain Fournier et à L'Etang de l'Or, de Gaston Baissette.
Mais cet âge du rêve, s'il est décrit avec amour, n'est pas considéré ici comme une fin en soi ; c'est une étape nécessaire de l'évolution des êtres, dans un certain milieu social. C'est pourquoi nous savons que le désarroi du jeune lycéen sera surmonté, et son profesteur lui dira à la fin : « Il faut que disparaissent les trop vieilles maisons et les trop jeunes amours » (...) Roger Leenhardt nous offre un film de printemps, timide et frais, comme une rose nouvelle, une œuvre saine et imprégnée de cet humanisme délicat qui est un des éléments de la culture française. "
" La « propriété » a été pour toute une partie de la bougeoisie française, surtout méridionale, une institution essentielle. La « propriété
" La « propriété » a été pour toute une partie de la bougeoisie française, surtout méridionale, une institution essentielle. La « propriété » c’est d’abord une grande maison, délicieusement ou hideusement meublée selon le goût ou la fortune. Ce que furent ces demeures à leur apogée, on le comprend devant la Reunion de famille que peignit Bazille à la fin du Second Empire, sur la terrasse d’une « propriété » aux environs de Montpellier.
C’est précisément une propriété du Bas-Languedoc qui est le centre du film de Roger Leenhardt les Dernières Vacances. A l'époque qu’il a choisie, celle de la crise économique d'avant-guerre, beaucoup des anciennes « propriétés » avaient perdu leur lustre ancien. La maison avait pu demeurer inchangée, et autour d’elle le parc, les garrigues bruissantes de cigales, mais la terre, source des ses revenus, était souvent en pleine décadence. A Tourigne, que nous décrit Leenhardt, les vignes ont été vendues ; quelques pauvres terres à blé, un troupeau de moutons ne suffisent plus à couvrir les frais de la propriété. La maison, abandonnée presque toute l’année, s’anime seulement durant les vacances, avec une troupe d’enfants et de parents. Les affaires vont mal. Après un siècle, la famille doit vendre Tourigne.
Ce problème familial pouvait être traité comme un roman balzacien, qui aurait mis au premier plan les classes sociales et leurs intérêts, acheteurs et vendeurs, comme dans les Paysans, qui sont l’histoire d’un domaine féodal dépecé par les futurs fondateurs de « propriétés ».
On pouvait, au contraire, mettre l’accent sur les passions, éveillées par les intérêts, et l’on aurait eu une œuvre à la Mauriac, ses romans ayant généralement pour centre un domaine bordelais.
Les enfants, pour conserver le paradis de leurs vacances, veulent chasser l’acheteur par de puérils complots. Ce qui pouvait orienter vers un « réalisme féerique » dans le goût du Grand Meaulnes. Pour les adolescents, la fin de Tourigne est aussi celle de leur enfance ; cette épreuve coïncide avec l’éveil de leurs sens. Les premières amours, avec leurs larmes et leurs crises, pouvaient dominer le film. Le sujet se serait encore transformé si la crise de l’âge mûr avait bouleversé les parents comme dans la première partie des Voyageurs de l'Impériale, dont le cadre est identique à celui des Dernières Vacances. On pouvait enfin centrer l’œuvre sur les parents les plus âgés, maniaques presque déchus et déclassés : c’était alors étudier une décadence sociale, qui pouvait être fantastique et bizarre.
Roger Leenhardt, qui vient d’entreprendre la Maison de Bernarda, d’après Garcia Lorca, s’est aujourd’hui presque entièrement consacré à la mise en scène. Il y était parfaitement qualifié par sa remarquable réussite documentaire : Naissance du cinéma. Auparavant il avait été (comme surtout, naguère, René Clair ou Marcel Carné) l’un de nos meilleurs critiques de films, avant- guerre, dans Esprit (conjointement avec le regretté Valéry Jahier), depuis la Libération dans les Lettres françaises et à la radiodiffusion. Dans ses articles, comme dans ses documentaires, il avait été dominé par un souci d’examiner les problèmes sous tous les angles, de tenir compte de toutes les hypothèses ou objections. Ce goût un peu protestant du scrupule l'inclinait peu dans son premier film à choisir un des dix « partis » qui s’offraient à lui : il se fût sans doute jugé partial, et il les a adoptés à la fois presque tous. L’économie de la « propriété » reste à l'arrière-plan, le social est traité le plus souvent en sourdine, et l’auteur veut tenir la balance égale entre les vieillards et les adolescents, les hommes faits et les enfants. Il n’a pas décidé entre Balzac ou Mauriac, Aragon ou Alain Fournier, et, par cette absence de choix, il est d’abord lui-même.
Ce refus d'un « parti » est peut-être la critique majeure qu’on peut adresser aux Dernières Vacances. L’auteur a voulu, pour son premier film, être à la fois : scénariste, adaptateur, dialoguiste et même acteur, puisqu’il interprète le professeur qui présente, encadre et commente le film, et certains professionnels ne manqueront pas de dire qu'une division du travail aurait permis d’atteindre à plus de perfection.
Nous connaissons les avantages de cette méthode, mais Hollywood, en la portant à l’extrême, en a démontré les inconvénients. Les inégalités des Dernières Vacances, ses apparentes redites ou longueurs, sont largement compensées par deux qualités assez rares au cinéma, surtout conjointes : la sincérité et la fraîcheur des sentiments. Ces qualités sauvent l’œuvre de la noirceur conventionnelle comme de la rose fadeur; ils donnent enfin la vie aux personnages, même si leur psychologie reste sommaire. Tout ceci explique le succès très vif d’un film qui n’avait pas pour lui une histoire ou des vedettes très commerciales.
Malgré l'absence de « parti », les adolescents dominent l'oeuvre. C'est que Leenhardt a su découvrir dans une tâche difficile, découvrir et bien diriger de jeunes talents. Odile Versois et Michel François sont parfaits. Le choix de Jean d'Yd était discutable, mais le grand talent de Berthe Bovy n’a pas suffi à donner la vie à un rôle féminin analogue. Par contre, le couple Renée Devillers-Pierre Dux est excellent. On n’oublie pas, en particulier, le brave imbécile optimiste, à l’esprit facile, qui a été campé par ce dernier. Il faut enfin noter l'excellence de la musique de Guy Bernard et de la photographie d’Agostini. "
" On ne saurait trouver mieux que ce film, divertissement accueilli à sa sortie, mais devenu depuis une sorte de classique des ciné-clubs,
" On ne saurait trouver mieux que ce film, divertissement accueilli à sa sortie, mais devenu depuis une sorte de classique des ciné-clubs, pour indiquer les sources d'inspiration favorites de la fiction TV, vers quoi elle semble devoir de plus en plus s’engager d’après les dernières déclarations de certains responsables de programmes. Cela dit, il serait à souhaiter que tous ceux qui ont marché et marcheront sur les traces de Roger Leenhardt aient dans leurs chroniques familiales et provinciales ne fût-ce qu’une fraction du talent qu'il avait révélé dans ce premier long-métrage.
Roger Leenhardt - dont la personnalité déborde de beaucoup son œuvre de cinéaste : après avoir exercé divers métiers, fonctionnaire colonial, planteur d’agrumes il débuta en même temps dans la réalisation et la production de court-métrages documentaires et la critique cinématographique (l'Esprit, les Lettres Françaises) devint une des figures les plus en vues du Saint-Germain des Prés d'après-guerre, fonda le festival de Tours, etc ... décrivait dans son film un univers qui lui était familier : celui de la bourgeoisie protestante méridionale, dont il était issu. Dans le script, la propriété de famille où se retrouvent traditionnellement chaque année les personnages tient une grande place. C'est dans une maison ayant appartenu à l’économiste Charles Gide (l'oncle d’André), ami de sa famille que Leenhardt trouva le décor d'une histoire écrite en collaboration avec son beau-frère Roger Breuil. Elle s'inscrit dans toute une tradition littéraire, celle de Dominique ou du Grand Meaulnes qu'un critique a pu appeler le « roman de domaine ».
L'action est située dans les années trente (mais le côté « rétro » n'est jamais, comme il l'est trop souvent aujourd'hui, lourdement appuyé). La famille vit là sa dernière réunion : Torrigne va être mis en vente. Jacques, un collégien s'éprend de sa cousine Juliette (Odile Versois, c'était son premier rôle), mais celle-ci, déjà passée du côté des adultes le dédaigne. Il y a aussi le couple désuni des parents de Jacques (Pierre Dux et Renée Devillers), la coquette cousine Odette (Christiane Barry) et la tante Délie (Berthe Bovy) occupée à de mystérieux ouvrages de broderie.
Leenhardt traite ses personnages par petites touches discrètes et subtiles, et c'est sans doute dans les portraits des deux adolescents (Jacques est le « narrateur » du film) et dans les paysages qu'il trouve ses meilleurs moments. La description du parc en apprend autant sur cette famille, sa morale et son art de vivre que ne l'auraient fait des scènes plus bavardes. La mise en scène ne s'impose jamais au détriment des rapports entre les êtres, mais cette transparence limpide de l'écriture, ce refus des effets fut perçu à l’époque comme de la sécheresse, ou de la maladresse, alors que le recul nous permet de constater que ces Dernières Vacances, somme toute beaucoup imitées, n'ont jamais été égalées, dans un registre plus difficile qu’il ne paraît. "
" On savait déjà que M. Roger Leenhardt, qui lui consacra de pénétrantes études et réalisa cet excellent documentaire qu'est Naissance de c
" On savait déjà que M. Roger Leenhardt, qui lui consacra de pénétrantes études et réalisa cet excellent documentaire qu'est Naissance de cinéma, aimait et connaissait le septième art, avait la facilité en horreur. Son premier long métrage romancé Les Dernières vacances, dont il est aussi l'auteur, nous apprend qu'il est également capable d'écrire un scénario original, sensible et délicat et de le réaliser tout en demi-teintes, en nuances subtiles que trop d'insistance gâcherait. Il se peut qu'un tel souci de suggérer plus que l'on n'explique déconcerte une partie du public — comme déconcerta le théâtre du silence voici quelgue trente ans — mais ne sont-eIles pas elles-mêmes riches de pudeurs, de retenues ou d'élans encore timides l'enfance et l'adolescence que met en scène le film ? Dès lors ce procédé de narration conviendra fort bien au thème que l'on va traiter.
Sous les pins, les cèdres, les magnolias d’un domaine où l'on s'attend à rencontrer le reflet d'Yvonne de Gallois sur la moire d'un étang, une très jeune fille, Juliette, grandit. Plus vite gue Jacques, son ami d'enfance encore mal dégrossi. D'autres moins de quinze ans jouent aux Sioux derrière les bosquets du parc où chaque année leurs parents qui le possèdent de façon indivise se retrouvent pour les vacances. Parc touffu de grands arbres chargés d'oiseaux dans la blonde lumière du Gard (les photos d'extérieurs d'Agostini sont admirables) ; parc rongé de tours romaines que les gosses prennent gaiement d'assaut ; parc malheureusement trop lourd à conserver. « Les grands » vont le mettre en vente malgré la tristesse révoltée des petits et de leur vieille tante Délie (Berthe Bovy) qui les a rejoints dans l'enfance et nous vaudra une bien jolie scène au moment de quitter pour la dernière fois sa chambre de toujours.
L'intrique qui va s'inscrire dans ce cadre aura Juliette et Jacques pour héros. Puis un tiers venu précisément pour acquérir la propriété ; jeune homme d'intentions plus pures encore que celles de l'aviateur des jours heureux, iI s'en faudra de peu que sa présence ne cause autant d'émoi. En deux tours de valse, Juliette s'est découvert du plaisir à danser arec lui, ce qui ne fait pas l'affaire de Jacques, encore benêt, mais déjà amoureux. (...)
Roger Leenhardt a voulu nous conter un petit drame de l'adolescence, et, en contre-point, lui a prêté la résonance d'un conflit de grandes personnes : qui ne s'est aperçu en effet que Pierre Dux (quel acteur admirable !) marié à la mère de Jacques, Renée Devillers, et flirtant avec une cousine séduisante et peu farouche, ne faisait que donner la réplique à la situation qui rapproche Juliette du jeune acheteur éventuel, au grand dam de Jacques ? La mère est aussi triste que l'enfant ; en deux intonations Renée Devillers porte au bord des larmes ; mais pour elle aussi cela s'arrangera avant que tout le monde abandonne le vieux domaine témoin au silence puis à l'oubli.
Les Dernières vacances comportent peut- être une ou deux erreurs de montage, de structure, qui déséquilibrenf un peu l'ensemble, mais il ne nous avait pas été donné depuis bien longtemps d'assister à un spectacle d'une inspiration aussi fine et qui laissât autant de place au rêve (...) Quant à Mlle Odile Versois que nous voyons ici pour la première fois en Juliette, si le mot présence conserve un sens, nous n’avons pas fini d'entendre parler d'elle. Son premier essai est un coup de maître dont le cinéma français peut se féliciter. Charmant visage sans fards, voix dépourvue d'intonations conventionnelles et qui ne laisse rien perdre de ce qu'il faut entendre à demi-mots, regard vif, sourires mutins ou pleins de lumière, démarche harmonieuse (on sait ou non qu'elle appartient à l'Opéra), Odile Versois ne ressemble à personne. Et pour tant d'autres c'est bien dommage. "
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