
La Playlist Universciné de Paul Vecchiali
VIDEO | 2016, 13' | Cinéaste farouchement indépendant, producteur et parfois même acteur de ses films, Pau...
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"T'as d'beaux yeux, tu sais..." Et Jean, le déserteur, enlace Nelly, sur le pavé brumeux du Havre. Un classique de légende dialogué par Prévert.
Déserteur, Jean arrive au Havre et cherche à se cacher avant de pouvoir quitter le pays. Grâce à un sympathique clochard, il trouve refuge dans une baraque du port où il fait la connaissance d'un peintre singulier et de Nelly, une belle jeune fille dont il tombe amoureux. Est-il enfin sauvé ? Interdit aux moins de seize ans à sa sortie, le film l'est totalement sous l'Occupation par la censure française. Il reçut pourtant le Prix Louis-Delluc 1938, Grand Prix national du cinéma français 1939 ; le Prix Méliès; le Lion d'Or à la vie Mostra de Venise (1938) ; meilleur film étranger pour 1939 aux États-Unis et à Cuba... En adaptant un roman de Pierre Mac Orlan, le tandem Prévert/Carné, à contre-courant de toutes les modes (un déserteur comme héros ! et puis "Toute cette brume ! On n'y voit rien" critiquaient les bien-pensants de l'époque), réalisait un film emblématique de l'esprit français d'avant-guerre. Le couple Gabin/Morgan devint légendaire. Et c'est ici que l'on entend "T'as de beaux yeux, tu sais" : l'une des répliques les plus célèbres du cinéma. Culte.
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La ressortie de Quai des brumes, tout exprès, semble-t-il, étudiée pour les spectateurs pour qui le cinéma comm
La ressortie de Quai des brumes, tout exprès, semble-t-il, étudiée pour les spectateurs pour qui le cinéma commence à A bout de souffle (de mon temps, hier, le cinéma commençait, pour les mêmes, à Citizen Kane...) vient à point nommé. J’ai revu, pour la vingtième fois peut-être, le « chef-d’œuvre » de Carné-Prévert en compagnie d’une jeunesse curieuse, prompte à ricaner, émue peut-être par ce que furent Morgan et Gabin, et qui suivait attentivement l’étrange spectacle qui lui était proposé. Un peu comme si l’on jouait « Le Cid » à l’Olympia.
Car le Quai, c’est d’abord cela, une sorte de ron-ron dont il est difficile d’oublier la classique monotonie. C’est à elle que j’ai d’abord dû me mesurer. La route floue, le camion, le chien, la musique (qui nous paraît aujourd’hui insistante, malgré le génie de Jaubert), ce sont les premiers vers appris par cœur, d’une tirade dont on connaît la suite. La perfection rythmique de Carné dessert, pour le moment, sa mémoire.
Perfection rythmique, perfection visuelle restent les dominantes d’un art encore retenu dans ce souterrain de la mode, ce purgatoire des chefs-d’œuvre que sont les trente ou quarante années qui suivent son épanouissement. Il faut le répéter, car cela reste vrai, jamais une équipe ne donna sa marque collective et pourtant individuelle à un cinéma comme celle qui entourait alors le jeune Marcel Carné : on reste confondu devant la maîtrise de Trauner et les audacieux raccords entre Le Havre et ses constructions synthétiques.
Et l’on admire l’économie du cinéaste qui n’abuse jamais d’un bel angle sur les merveilles décoratives du grand Alex, que seul aujourd’hui Hollywood peut s’offrir. Chaque composante, chaque détail s’inscrit dans l’ensemble sans jamais déborder, chercher à jouer, à briller. Je parle de l’image, bien sûr.
Cette humilité dans l’œuvre commune n’empêche pas, pourtant, les trouvailles merveilleuses qui, après près de trente ans de discours, d’études et de réflexions, jaillissent encore comme au premier soir : la découverte de Nelly, équivoque sirène en imper transparent et béret noir, dans l’arrière-boütique de Panama, est un exemple frappant de banalité transfigurée par trois touches de génie.
Mais cette perfection risque aujourd’hui de retenir à distance ceux que le jeune cinéma a accoutumés aux passages à vide, aux franges, aux hésitations du récit et de la caméra. Bien sûr, Quai des brumes reste une tragédie, une tragédie populaire (populiste diront certains qui parleront de chansons de Piaf, croyant sans doute donner dans le péjoratif), une implacable machination des dieux (la société, l’argent, la bêtise, la violence) contre les amants traqués. Comme la tragédie classique, elle ne tolère aucun louvoiement, aucune porte de sortie, aucune échappée sur le rêve. Et, comme elle, elle n’a rien d’une auberge espagnole. Personne ici ne refait son petit film.
Voilà bien des choses nouvelles pour les cinéphiles qui ont sucé le lait aux mamelles de la nouvelle vague. Et, plus encore, Quai des brumes tend à prouver, à souligner grossièrement ce que tout le jeune cinéma français, ou à peu près, s’efforce de gommer. La lucidité du message, sous sa noirceur apparente, frappait mes voisins de fauteuil sans merci. Au moment où le bon ton commande de renvoyer les plaideurs dos à dos, le « mauvais esprit » de Prévert coule comme une source rafraîchissante.
Il se peut que la photographie « artiste » de Schuftan ait vieilli. Ce dont je suis bien certain, c’est que la protestation aveugle toujours et qu’elle risque — hélas — d’aveugler encore quelque temps. Peut-être nos jeunes gens dépolitisés ne s’en rendirent-ils compte qu’au moment — le seul moment de vérité absolue, éternelle — où Jean et Nelly, après leur première et dernière nuit, échangent ce pathétique dialogue qu’éclaire l’amour-fou. Spectacle insolite, terrifiant, de deux personnages écorchés, regardant leurs plaies en ne songeant qu’à celles de l’autre.
J’aimais autrefois le pittoresque des films de Carné, la carte-postale, les pavés mouillés et le reste. Les dialogues amoureux m’ennuyaient un peu. Je découvre aujourd’hui qu’ils sont beaux comme du Shakespeare.Me voici arrivé au plus délicat.
Tarte-à-la-crème des ciné-clubs, la dissociation Carné-Prévert a fait son temps. Je veux dire le sacrifice de Carné, le sauvetage de Prévert. Lorsqu’on entend aujourd’hui avec le plus d’objectivité possible le dialogue de Quai des brumes, force est de constater qu’une grande partie de celui-ci est frappée de caducité et s’effondre dans le grotesque. Une fois sauvés les mots qui disent l’amour, ou qui le dénoncent, le reste, malgré soi, fait sourire ou bailler. Il est d’ailleurs curieux de voir la souple, invisible, mise en scène de Carné s’enky-loser soudain aux abords des morceaux de bravoure, et sa caméra venir brusquement buter du front contre un de ces monologues-ho-mélies droits sortis de « Paroles ». Comme il est amusant de voir se renfrogner Gabin devant un « tunnel » impossible ou Le Vigan, exécrable, jeter d’un air ennuyé un récit aussi convenu que celui de Théramène.
En vérité, Jacques Prévert a donné dans Quai des brumes le meilleur et le pire de lui-même. Lorsqu’il s’exprime par la bouche de Gabin dans l’admirable scène où Jean, dévorant du pain et du saucisson, essaie de séduire Nelly et cache son désir sous une vulgarité de caserne, il bouleverse sans phrases, sans métaphores, avec des mots nus. Mais il est capable, plus loin, de faire dire au même personnage — au mépris de toute vraisemblance psychologique et physique (Jean n’a rien d’un poète et est en train d’étrangler plus ou moins Zabel) — quelque chose comme : « Tais-toi, quand tu causes on dirait quelqu’un qui patauge dans la vase avec de vieilles espadrilles. »
De lui viennent ces heurts de l’interprétation, ces grimaces soudaines qui veulent faire passer des formules impassables. Chacun, ou presque, en est victime. Brasseur, si extraordinaire lorsqu'il reçoit une simple mornifle, se compose un visage de Iago odéonesque pour filer son texte. Simon grossit au maximum, ce qui est une façon de noyer le poisson. Quant à Gabin, le plus souvent aux limites du sublime, il redescend parfois jusqu’au cabotinage pour marteler un : « Le brouillard, il est là ! » en désignant son crâne.Il faut toute la science de Carné pour sortir indemne de ces durs moments. Je l’ai déjà dit, son œil alors est moins clair, son cadrage plus démonstratif. Il attend.
Voyez, par contre, le final, sa précision hor-logère et son pathétique absolu : il reste un maître dont on peut toujours apprendré. Ici, les formes| et les objets s’échappent de leur symbolique. Le tranchoir, les boutons de manchette, le bateau dans la bouteille, le coffret restent enclos dans leur signification immédiate. Us collent aux mots, comme s’ils étaient des mots aussi. Le chien bâtard, la fumée, le bateau qui s’éloigne, la route, tout cela reprend sa liberté quand seul Carné en joue. Il faudrait, pour en bien parler, être Patagon et rester insensible à la musique du texte.
Les Italiens continuent à révérer Carné, parce que moins que nous irrités par le verbiage prévertien. Ils voient dans son monde, et ils ont raison, celui de Visconti. Nous, naïvement, adorons Ossessione sans arrière-pensée. Nul n’est prophète, il estvrai. Et puis Ancône, c’est tellement plus loin que Le Havre.
Mais il faut se méfier des partages de responsabilités et éviter à tout prix les erreurs et les sottises passées. Il ne faut pas plus brûler Prévert que Carné. La tragédie a ses moments faibles, mais elle a aussi ses explosions de force et ces moments-là sont incontestablement ceux où Prévert et Carné se soudent en un troisième personnage, celui qui, finalement, méritait bien cet excès de gloire, corrigé par un injuste et provisoire oubli, et se place tout naturellement parmi les très grands.
Ce personnage-là a fait Le jour se lève, Les enfants du paradis, Drôle de drame, trois chefs-d’œuvre accomplis. S’il n’apparaît que par intermittences dans le Quai, il suffit pourtant à sauver une machine impeccable, mais aux lignes et aux accessoires quelque peu désuets.Eh non, les machines n’ont pas ce cœur, cette tendresse ! Dur, le monde de Carné-Prévert, allons-donc ! Tout souffre ici, même les salauds. Il souffre, Lucien qui blêmit sous la gifle. Il souffre, Zabel qui implore l’amour. Et même cepaysage qui pleure d’être réduit par les brouillards, la pluie, les travaux des hommes. Au fait, Quai des brumes reste cela, une chanson si triste qu’elle console, un machin imprenable par les esprits forts. Il arrive que l’intelligence ne serve plus à grand chose. Et plus souvent qu’on le croit.
J’aime à croire que — même sur Mars — il y aura toujours un gars et une fille qui s’aimeront désespérément, pour la dernière fois, à l’écart d’un monde indifférent, et qu’il y aura toujours un poète transi pour écrire leur belle et sombre histoire, même sur le titane d’une fusée interplanétaire.
" Ce sera l'un des grands films français de l'année. Dès les premières images, on s'aperç
" Ce sera l'un des grands films français de l'année. Dès les premières images, on s'aperçoit qu'il est écrit, réalisé et joué sur un ton que peu de films — de chez nous et d'ailleurs — atteignent. Les mots sont bien frappés, les images profondes, composées avec une rare puissance d'évocation et les interprètes marquent leurs personnages d'une vérité inoubliable. (...) Rarement le désespoir et la solitude des êtres avaient été traduits avec autant de force. M. Marcel Carné a su composer des images où la violence et la douceur se mêlent; son film est chargé d'une poésie du malheur dont nous ne nous délivrerons pas de si tôt. Le brouillard nous environne, une humidité gluante nous pénètre : voilà l'oeuvre d'un grand metteur en scène. Les dialogues de M. Jacques Prévert ont la couleur du sujet. Si l'on voulait absolument faire une réserve, on pourrait leur reprocher une certaine rhétorique, des accents littéraires qui sont sans doute moins à leur place ici que dans la bouche des personnages de Drôle de Drame, du même auteur. Mais, en revanche, quelle éloquence! Tous les acteurs ne méritent que des louanges (...)."
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