
Barbet Schroeder - L'obscure clarté du mal
VIDEO | 2017, 30'| Après Général Idi Amin Dada (1973) et L'Avocat de la terreur (2006), Barbet Schroeder clôt sa...
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Le célèbre général ougandais sous l'œil du réalisateur de "More" et du futur "Avocat de la terreur". Portrait d'un dictateur naïf, drôle, inquiétant...
Tour à tour naïf ou lucide, drôle ou inquiétant, illuminé ou sûr de sa force physique et de la mission qu'il doit accomplir, Amin Dada n'a pas fini d'intriguer, sinon d'inquiéter. Il est celui qui a acclamé Hitler, fait disparaître des milliers de personnes depuis son arrivée au pouvoir. A travers cet homme qui proclame « tout pouvoir se gagne par K.O », Barbet Schroeder en profite pour étudier sociologiquement et politiquement ce pays en pleine mutation depuis le départ de la Grande-Bretagne : le manque de devises, le problèmes des 80.000 Hindous chassés à la suite d'un rêve du président, et qui détenaient 80 % de l'économie, la désorganisation du commerce qui provoque une vertigineuse hausse des prix et une inflation battant tous les records dans ce pays d'Afrique. Un portrait au vitriol sous l'oeil du réalisateur de "More" et du futur "Avocat de la terreur".
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"Il nous informe que son numéro de téléphone est le 22.41 et qu'on peut rappeler jusqu'à trois heu
"Il nous informe que son numéro de téléphone est le 22.41 et qu'on peut rappeler jusqu'à trois heures du matin. De son côté, il téléphone un peu partout pour vérifier si les fonctionnaires qu'il a nommés sont bien à leurs postes. II paraît gai, roublard, drôle, farceur. Sa plus grande gloire, c'est d'avoir envoyé une série de télégrammes loufoques à des chefs d’Etats étrangers : à Nixon, qu’il qualifie de "mon cher frère", il souhaite de se sortir indemne de l'affaire du Watergate ; à Kurt Waldheim, secrétaire général de l'O.N.U. il fait part de son regret qu'Hitler n'ait pas exterminé davantage de Juifs ; à Pinochet, il envoie ses félicitations ; au président Nyéréré, son voisin, il déclare son amour, l'assurant que, s’il était une femme, il l’épouserait tout de suite; à Edward Heath enfin il demande d’envoyer un avion "pour venir chercher les légumes et les bananes collectés pour venir en aide aux Anglais". Et, fier comme Artaban, bonasse, il éclate de rire...
Barbet Schroeder, auteur de More et de La Vallée, s’est rendu en Ouganda durant trois semaines pour filmer les frasques du chef de l’Etat, le général ldi Amin Dada. C’est un portrait drôle et grave qui nous est proposé. La faconde et les pitreries du président, sa mégalomanie sont à là source de tableaux parfois désopilants : ldi Amin Dada, qui est toujours le plus fort (en boxe, en rugby, en cha cha cha...) provoque quelques courtisans dans sa piscine personnelle ; désireux de rester en contact avec le peuple, le dictateur serre les mains et joue de l'accordéon ; il conseille aux médecins d'éviter d’être ivres... Heureux comme un roi d'être filmé et interviewé, il met lui-même en scène une reconstitution militaire au cours de laquelle il imagine que son armée s'empare des hauteurs du Golan...
Mais, pour reprendre un slogan bien connu, cet homme est dangereux. Le polichinelle se prend au sérieux et, lorsque nous surprenons dans son regard quelque chose d’inhumain, nous comprenons très vite que cette dictature bon enfant jette à la trappe tous les gêneurs. C'est ainsi qu'à la suite d'un rêve, en 1971, il a chassé les Hindous d'Ouganda. C’est ainsi qu'il malmène son ministre des Affaires étrangères au cours d’un Conseil des ministres auquel nous assistons, et que ce même ministre est retrouvé quinze jours plus tard flottant dans les eaux du Nil... C’est ainsi que depuis son arrivée au pouvoir, un certain nombre de personnalités ont disparu et qu'il organise des exécutions publiques. C’est ainsi qu'il entend faire de son armée l'une des plus puissantes d'Afrique. Amin Dada se compare à De Gaulle, Mao ou Napoléon et méprise « l’inintelligent » Kissinger ; il a répudié trois de ses quatre femmes parce qu'il ne les trouvait pas assez révolutionnaires et il a plongé son pays dans le chaos, quoiqu'il dise : l'inflation grimpe plus vite qu’ailleurs, le commerce va à vau-l'eau, les prix montent. Amin Dada sera sans doute chassé comme il est venu au pouvoir, c'est-à-dire par un coup d’Etat.
Le portrait de Barbet Schroeder dépasse cependant le cadre ougandais. C'est une caricature du pouvoir qu'il nous offre. Amin Dada ne nous renvoie qu’une image à peine déformée et grossie des mécanismes du pouvoir et des tics d'autres chefs d’Etat. Pas de quoi rire."
" Idi Amin Dada est sans doute un grand comédien. Un comédien de grand talent. Un très dangereux com&ea
" Idi Amin Dada est sans doute un grand comédien. Un comédien de grand talent. Un très dangereux comédien de talent. Barbet Schroeder est donc parti le filmer parce que tout cinéaste est fasciné par les monstses sacrés. En Ouganda Schroeder a dû vite comprendre qu’il était inutile de vouloir faire un film sur Idi Amin Dada. Il a donc laissé le Général se filmer lui-même.
Le résultat est saisissant le document dans sa drôlerie constante fait passer des frissons dans le dos. Le passage du cocasse au sérieux nous ravit et en même temps nous terrifie. Et ce, parce qae nous ne savons pas si c’est le Général qui mystifie Schroeder ou Schroeder qui mystifie le Général. Il se peut d’ailleurs qu'ici Amin Dada se mystifie lui même. On est en pleine folie. On imagine Schroeder filmant ainsi Nixon ou Brejnev. Ce serait un document démoniaque. Pour en revenir à ce fantoche de Dada, le plus surprenant c’est qu'un certain courant de sympathie s'insinue également de ci de là. Le "Papa Doc" de l’Ouganda est aussi un "Papa gateau". Prudent, le film ne mentionne pas les cadavres des opposants au régime (sauf celui du Ministre des Affaires étrangères que l'on aperçoit au cours d'un conseil des ministres qui tient plus du premier cours de la maternelle que d’une Table Ronde entre adultes supposés responsables). Il ne noircit pas le tableau, il se contente de pénétrer dans l’intimité de ce diable d’homme dont on ne saura pas s’il est au fond un simple enfant gâté qui, possédant une belle collection de soldats de plomb, fait joujou solitairement en reconstituant une imaginaire Guerre du Golan ou plus machiavéliquement, ce "capitaine des crocodiles" dont lui même fait mention en désignant du doigt une de ces charmantes bestioles voluptueusement étendue au bord d’une rivière (la "promenade sur l’eau" de Schroeder etd'Idi Amin Dada est un succulent morceau de cinéma direct).
Craignant les conclusions hâtives et peut-être même racistes de certains spectateurs à la vue de cet "autoportrait" — Barbet Schrœder s'empresse de s’extirper du guêpier par une phrase-pirouette : "A travers ce film sur le pouvoir absolu et l’Afrique d’aujourd’hui n'est-ce pas une image déformée de nous mêmes qu’Idi Amin Dada nous renvoie après un siècle de colonisation ?". Schroeder a sans doute raison. Mais ce n’est pas rassurant pour autant. Aujourd'hui ce qui se passe aux sources du Nil peut fort bien se passer demain au cœur de n'importe quel pays de notre vieille Europe.
Un document fascinant à voir et à méditer."
" Jouant habilement avec la mégalomanie d’Amin, Schroeder lui promet de réaliser une oeuvre de propagande à
" Jouant habilement avec la mégalomanie d’Amin, Schroeder lui promet de réaliser une oeuvre de propagande à la gloire de son régime, ce qui lui ouvre immédiatement les portes de l’intimité de celui qui fut un fou sanguinaire responsable de plus de 300 000 morts. Après une introduction de deux minutes qui nous rappelle la réalité du régime, le cinéaste nous convie à partager des moments de la vie de celui qui fut surnommé affectueusement Big Daddy. Toujours souriant, souvent irrésistible et séduisant, l’homme se révèle peu à peu lors de séquences surréalistes où il se donne le beau rôle : général d’opérette lorsqu’il rêve de l’invasion du Golan, faux démocrate qui menace ses ministres lors d’un conseil sous haute tension, total mégalo lorsqu’il nous prouve qu’il est le meilleur en tout. Se dessine en creux l’image d’un homme dont on peine toutefois à cerner le mystère, à la fois d’une grande intelligence lorsqu’il se place dans le sillage des pays non-alignés durant la Guerre froide et d’une désarmante naïveté faisant de lui un véritable enfant irresponsable à qui on aurait donné des jouets un peu trop dangereux. Pris au piège par un reporter plus malin que lui, Idi Amin Dada devient alors une déformation du pouvoir absolu, une boursouflure grotesque qui finit par se ridiculiser tout seul. Sans doute le documentaire le plus intéressant jamais produit sur la mécanique totalitaire vue de l’intérieur. "
" Le personnage, vraiment, en fait trop. Ce que l’on apprend de lui et de sa conception de la politique dépasse le bon se
" Le personnage, vraiment, en fait trop. Ce que l’on apprend de lui et de sa conception de la politique dépasse le bon sens, et rejoint les excès de son collègue centrafricain Bokassa, triste pantin tyrannique. Après l’indispensable coup d’état, il expulse d’Ouganda les 80.000 Indiens qui y résident, adresse quotidiennement des télégrammes délirants aux grands de ce monde, somme la Reine d'Angleterre de lui envoyer une escorte écossaise pour assister à une réunion des états membres du Commonwealth, invite le premier britannique à envoyer un avion pour venir chercher les fruits et légumes recueillis lors d’une collecte au bénéfice de la Grande-Bretagne, déplore auprès de Kurt Waldheim qu’Hitler n’ait pas tué plus de Juifs, déclare à son voisin tanzanien Julius Nyerere qu’il l’aime tellement qu’il regrette qu’il soit un homme, et ne puisse le demander en mariage, fait assassiner son ministre des Affaires Etrangères tout à coup disgrâcié, et le remplace par sa maîtresse, un ancien mannequin de vingt-cinq ans.
C’était trop. Barbet Schroeder décide d’en avoir le cœur net, et propose au général Amin de faire un film avec lui sur lui (d’où le titre), se rend en Ouganda pendant trois semaines et en rapporte un extraordinaire document qui se situe au-delà du vraisemblable politique ou fictif.
Qu’y voit-on ? Entre autres une séance de conseil des ministres où Amin menace ses ministres terrorisés de les renvoyer s’il ne parvient pas trois fois de suite à les joindre par téléphone à leur bureau, on y voit le même diriger à la tête de ses troupes une prise fictive du Golan, on le voit s’adresser aux médecins ougandais et leur demander de ne pas s’adonner à la boisson, sans que ceci suscite la moindre remarque, on le voit jouer de l’accordéon dans un bal populaire et danser au rythme d’un orchestre intitulé du « suicide révolutionnaire ».
Tout ceci est trop beau. Quel que puisse être l’état d’arriération d’un état, on conçoit difficilement que le père Ubu puisse y régner longtemps. Or, non seulement Amin dure depuis trois ans, mais il semble être réellement populaire. Non seulement cet homme qui veut qu’on l’aime semble parvenir à ses fins, mais il affiche de surcroît une grande confiance dans l’avenir de l’Ouganda (malgré une inflation atteignant dans certains secteurs 50 %, et le manque chronique de matières premières), dans celui de ses frères de race (promis à la présidence des Etats-Unis), et dans celui du Tiers-Monde. Cet ancien champion de boxe, de rugby et de course à pied a de la politique une conception planétaire, admire De Gaulle, Mao, Khadafi surtout.
Alors ? Amin ne serait-il, comme l’affirme en conclusion Schroeder, qu’une image déformée de nous-mêmes, qu’il nous renvoie tranquillement après un siècle de colonisation ? Cet aplomb ne serait-il que le reflet de notre arrogance ?
Le film, c’est le plus grand reproche qu’on peut lui faire, ne prend guère parti. Même si l’on admet le parti-pris d’honnêteté de l’auteur par rapport à son sujet, on ne peut s’empêcher de penser qu’un tel constat est insuffisant, qu’il devrait être complété, approfondi. Au spectateur de le faire, pense Barbet Schroeder qui n’a pas du film de document la conception militante qu'eurent beaucoup de ses prédécesseurs. Soit. Alors, interrogeons.
Ce qu’en fait la presse française nous donne comme éléments sur Amin, ce sont essentiellement des échos de ses foucades, de ses abus, de ses incohérences. Passons sur celles-ci, elles sont évidentes, et largement montrées par le film. Mais y a-t-il incohérence profonde à expulser une minorité qui contrôle l'économie du pays ? Certes, il y a violence. Mais toute révolution n’est-elle pas un jour ou l’autre amenée à être violente ? Amin, après une idyllle politique avec Israël, rompt avec lui et expulse brutalement ses diplomates. A leur lieu et place, il installe des représentants de Palestine. Pour un chef d’Etat du Tiers-Monde, musulman de surcroît, n’est-ce pas là un choix à tout le moins justifiable ? Il accuse en riant Kissinger de ne traiter qu'avec les faibles : est-ce si faux que cela ? Les pieux émois des sociétés occidentales à l'encontre du scandaleux Amin, ne sont-ils pas ceux de collectivités nanties qui peuvent se permettre d’avoir des égards ? Et si, avec son habileté en même que sa mégalomanie, Amin ne se contentait pas de violer les formes ? L’avenir de son pays en répondra. En tout cas, il n’est pas sans intérêt qu’un chef d’état du Tiers-Monde, dont il n’est au demeurant pas question d’excuser les excès, se permette ainsi de pourfendre les conventions diplomatiques héritées des grandes puissances, de se fabriquer son propre code social, son propre langage.
Et c’est de ce langage, à peine plus excessif d’ailleurs que celui de Khadafi, dont Amin veut dire que beaucoup de politiciens occidentaux ont peur lorsqu’il affirme qu’on a peur de lui ; bien plus que de sa petite armée. On sait en outre que l’acquisition du langage est l’un des éléments de la prise de conscience."
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