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Il n'a pas appris le cinéma à l'école. D'ailleurs, en fait d'établissements scolaires, il a plutôt connu les maisons de redressement. Mais de l'Algérie où il est né, et à travers laquelle il vagabonde, jusqu'en France où il arrive directement dans un bidonville quand il a une dizaine d'années, Tony Gatlif a gardé un éblouissement : la vision, sur une toile tendue par un instituteur, d'un film de cinéma. Des images plus grandes que nature, violemment poétiques, qui contrastaient avec la dureté de son quotidien. Chaque semaine, le ciné-club passait les films de Vigo, Renoir, Ford, Chaplin...
Quand il traîne dans les rues froides de Paris et qu'il veut se réchauffer, il entre dans une salle. Même si, parfois, c'est pour piquer un bon petit somme devant A bout de souffle.
Un soir, il va voir son idole, Michel Simon. Il croit aller voir un film, il est au théâtre « Le rideau s'est ouvert sur une grande boîte lumineuse... avec le vrai Michel Simon; ce fut un choc. » Quand, dans les loges, il demande à l'acteur si, d'après lui, il pourrait faire du cinéma, ce dernier répond de sa voix de Boudu: « Bien sûr que c'est possible ! » Gatlif sait à peine lire mais prend des cours de théâtre. Il finit par jouer sur scène Saved d'Edward Bond, aux côtés d'un autre débutant, Gérard Depardieu, qui se moque de lui : le débutant s'est mis en tête d'écrire un scénario, qu'il tape à deux doigts sur une machine à écrire pour gosses, en plastique.
Mais Gatlif est un bulldozer. Son scénario est tourné (par un autre réalisateur) et il s'obstine à réaliser ses propres films, à commencer par La Terre au ventre, en 1979. Les plus marquants forment une trilogie sur les Gitans — sa famille, ses racines — commencée en 1983 avec Les Princes. Un constat social sur la sédentarisation des tsiganes (mais aussi des immigrés) rejetés dans les banlieues, dans la zone. Un regard dur, mais chaleureux. « Même les pieds dans la boue, je ne me sentais pas misérable » dit Tony Gatlif en parlant de son enfance. Et les « zonards », ce sont eux, les Princes.
Suit, presque dix ans plus tard, un deuxième film-hommage, Latcho Drom. Un voyage. Sans paroles. Entièrement musical. Un parcours autour du monde dessinant un chemin, ruban imaginaire qui conduit sans heurts, sans frontières, sans souci temporel, de l'Inde à l'Égypte, de l'Europe de l'Est aux pays du Sud, vers la France et l'Espagne. Enfin, Gadjo Dilo (1997), première collaboration avec Romain Duris (Je suis né d'une cigogne, Exils), clôt ce premier "cycle'".
« Après trois films autour du sujet, précise-t-il, je m'arrête là. Sinon, ça devient un fond de commerce. » Mais cette trilogie, c'est sa fierté. « Depuis toujours, le peuple gitan a été traîné dans la boue. Très peu de livres en parlent, ou alors de façon folklorique, caricaturale ou injurieuse. Faire ces films, c'était vital pour moi. J'ai pensé : voilà, je vais dire du bien de ce peuple sans avoir recours au mensonge. Parce que je les connais. Je suis des leurs. »
Mais on ne se refait pas : depuis, Gatlif ne parle plus de Gitans mais... s'exprime à travers eux. Jalousie et honneur (Vengo), enfance et camps d'extermination (Swing), nationalité française et racines arabes (Exils) ou errances sentimentales (Transylvania), chaque nouveau film marque une étape vers des thèmes renouvelés, pourtant toujours nourris du même feu. Aucune de ses histoires ne s'apparente vraiment à la fiction, ni au documentaire, mais plutôt à la catégorie des déclarations d'amour. A un peuple et à sa musique. « Une musique juste, à la fois plaintive et énergique, qui exprime la douleur et le goût de la fête. Cette musique, c’est notre âme. » Et elle est universelle.
Philippe Piazzo
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