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A neuf ans, curieux et débrouillard, Quentin Tarantino verra au cinéma des films interdits aux moins de douze ans comme Delivrance de John Boorman et Ce plaisir que l'on dit charnel de Mike Nichols. Peu intéressé par les études, il préfère suivre les traces de John Travolta en étudiant le jeu dramatique à l'Allen Garfield's Actors' Shelter. Pour payer ses cours de théâtre, il travaille au Pussycat Theater, un cinéma spécialisé dans la pornographie.
En 1980, il fait l'acquisition d'un magnétoscope qui va bouleverser sa cinéphilie. Il assouvit, dès lors, son addiction au cinéma grâce au vidéo club Video Archives de Los Angeles. Embauché comme vendeur dans son lieu de culte, il y rencontre le futur co-scénariste de Pulp Fiction, Roger Avary. Il construit à cette période son personnage de cinéphile volubile, aux réparties cyniques et salaces. Lorsqu'il se retrouve seul, les articles de Pauline Kael lui servent de cours de cinéma.
L'image et la parole sont vitales chez Tarantino. Les joutes verbales, hors du temps du récit, auxquelles ses personnages se livrent (où il est question principalement de culture populaire) est la meilleure façon pour lui de signer ses scénarios même lorsqu'il n'est pas crédité (Uss Alabama de Tony Scott). Tarantino s'entraine ensuite à la mise en scène sur My Best Friend's Birthday qu'il considère comme sa première expérience professionnelle. Film amateur, il croit suffisamment à un lancement commercial pour y investir ses économies. L'expérience est peu concluante et une bonne partie de la bande brûle avec le laboratoire où il était développé.
Il se lance ensuite dans l'écriture de True Romance et Tueurs Nés qui seront respectivement réalisés par Tony Scott et Oliver Stone. Le film de Tony Scott est un succès et celui d'Oliver Stone fait scandale. A cette époque il quitte le vidéo club et part travailler à Hollywood pour vivre de la réécriture. Le nom de Tarantino circule alors dans tout Hollywood et sa rencontre avec Lawrence Bender au sein de la société CinéTel sera déterminante pour le reste de sa carrière. L'argent rapporté par la vente de True Romance et Tueurs Nés (qu'il pensait réaliser) ne sera en effet pas suffisant pour tourner son dernier projet inspiré de City On Fire de Ringo Lam : Reservoir Dogs. Bender avec qui il créera A Band Apart, sa société de production (référence au film Bande à Part de Jean-Luc Godard) lui présente Harvey Keitel. Ce dernier, impressionné par la qualité d'écriture de Reservoir Dogs, décide de le financer et donne à Tarantino la possibilité de tourner avec des acteurs confirmés comme Steve Buscemi, Chris Penn et Michael Madsen. Entièrement axé sur des dialogues, le script est mélodique (Tarantino écrit en phonétique, maitrisant mal l'orthographe) et le langage est primordial pour que chacun des personnages puisse être admis dans la bande. En 1991 le film est projeté à Sundance et, plus tard, à Cannes. Il fera sensation. Miramax décide de le distribuer dans le monde entier.
Dès son second long-métrage, Pulp Fiction, Quentin Tarantino obtient La Palme d'Or. Influencé autant par le cinéma d'Akira Kurosawa que par ses lectures de polars (James Ellroy, Elmore Leonard), le jeune cinéaste dépoussière et rend populaire l'éclatement de la linéarité du récit dans le cinéma américain. Pulp Fiction qui se voulait une ode au jeu d'acteur de Travolta, lui offre un second souffle professionnel. La bande originale qui est, comme toujours chez Tarantino, composée essentiellement de classiques de la musique populaire anglo-saxonne, contribuera au succès du film.
Il se met à produire, à jouer, à tourner des épisodes de séries (Urgences) et entreprend une collaboration avec Robert Rodriguez (Une Nuit En Enfer, Sin City). Ces réalisations bicéphales aboutiront au concept Grindhouse, où les réalisateurs s'amusent à pasticher les films de séries B et Z dont ils étaient friands adolescents. Robert Rodriguez réalise Planet Terror et Quentin Tarantino tourne son film le plus linéaire mais également le plus expérimental Boulevard de la Mort. Inspiré du cinéma de John Carpenter (dont il utilise l'acteur fétiche, Kurt Russell), Tarantino y traite de la contamination des corps par le mal et leur destruction via le pouvoir de l'image (corps découpés par le montage, hachurés par des effets de pellicule usée). Cinéma impur (couleurs délavées, dialogues coupés volontairement, saut de pellicule) Boulevard de la Mort est un chant d'amour à un cinéma déconsidéré par une cinéphilie respectable.
En 1997, Quentin Tarantino réalise un hommage au cinéma de Takeshi Kitano : Jackie Brown, adaptation du roman d'Elmore Leonard : Rum Punch. Pam Grier (la célèbre Foxy Brown de Jack Hill) qui incarne le rôle titre est une égérie de la Blaxploitation, genre qu'affectionne le cinéaste. Avec le diptyque Kill Bill, Tarantino fusionne le "Wu Xia Pian" de Chang Che (La Rage du Tigre) et le "Rape and Revenge" dont Crime à froid de Bo Arne Vibenius est, pour Tarantino, la référence principale.
Uma Thurman (déjà à l'affiche de Pulp Fiction) interprète une femme qui venge, à coups de sabre, la mort de son mari et de l'enfant qu'elle portait. Une tuerie qui se déroulât le jour de son mariage et dont elle fut la seule survivante. Aux reproches qu'une partie de la presse lui adresse concernant l'aspect sanglant de ses films, Tarantino rétorque, avec raison, que le sang n'est rien d'autre qu'une couleur.
Si son cinéma est perpétuellement sous perfusion de souvenirs cinéphiles, c'est également un cinéaste féministe. On doit sans doute ce trait de personnalité à l'amour que lui portait sa mère, mais surtout à son père spirituel : Howard Hawks dont le cinéma n'est pas pour rien dans la construction de l'image moderne de la femme (La Dame du Vendredi). A travers le portrait de l'hôtesse de l'air de Jackie Brown ou de la femme vengeresse de Kill Bill et surtout du groupe d'amies dans Boulevard de la Mort, c'est une vision d'une femme à la sexualité assumée, libérée du diktat de la domination masculine qui se dessine. Dans Pulp Fiction, si le personnage d'Uma Thurman n'est pas souvent à l'écran, il est le pivot des quatre histoires. Quentin Tarantino se montre littéralement fasciné par les femmes jusqu'au fétichisme (les pieds).
Inglorious Basterds, qui reprend les grandes lignes du film de Robert Aldrich Les Douze Salopards, introduit des éléments absents du premier et réécrit certains événements historiques. Car il y a chez Quentin Tarantino une foi singulière dans le cinéma; sans ironie aucune : le cinéma peut sauver le monde.
Gaël Martin
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