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Chaque nouveau film de Michael Moore est d’abord un rendez-vous avec Michael Moore en personne. Silhouette massive, casquette vissée sur le crâne, le réalisateur se met en scène, depuis 30 ans, dans ses enquêtes et ses rencontres.
Né dans la banlieue de Flint (Michigan) en 1954, Michael Moore est le fils d’un ouvrier de General Motors, l’entreprise qui emploie alors les ¾ de la ville. Plutôt que de pointer à l’usine à son tour, il milite, crée un journal alternatif, puis entreprend de raconter, dans son premier film, le sort de sa ville natale : Roger and I (1989) décrit la fermeture des usines General Motors de Flint, l’abandon de la ville ravagée par le chômage, les ménages expulsés pour impayés de loyer… et la vaine traque de Michael Moore pour rencontrer Roger Smith, le patron de General Motors, dans ses cimes (l’imprenable 14 ème étage du siège de la compagnie) et lui toucher deux mots de la situation.
D’emblée le réalisateur définit sa forme (collage d’images d’archives, d’extraits d’émission de télé, qui ponctuent le récit) et surtout sa place : qu’il évoque sa ville natale ou qu’il s’interroge sur l’utilisation des armes à feu et la violence de la société américaine (Bowling for Columbine, 2002), Michael Moore ne parle pas en intellectuel théorique et distant, mais en membre de la communauté qu’il observe d’un œil curieux, critique, compatissant, et avec un humour formidable.
Avec The Big One (1997) puis Bowling for Columbine, qui obtient l’oscar du meilleur documentaire, Michael Moore devient une personnalité populaire aux Etats-Unis, ses films atteignent des records d’entrée historiques dans un pays où le documentaire est généralement loin d’attirer les foules. Parfois manipulateur dans ses montages, unique et intarissable commentateur des images d’archives qu’il exploite dans des films toujours plus ambitieux, on peut lui reprocher de se répéter et de livrer une lecture manichéenne de réalités bien complexes.
Farhenheit 9/11 (palme d’or du festival de Cannes en 2004), décryptage de la politique de Bush à la lumière de ses intérêts dans la guerre en Irak, ainsi que ses deux derniers films Sicko et Capitalism : a love story, ont été épinglés pour leur schématisme. Tout à ses démonstrations et à ses dénonciations, Moore n’y va pas sans une certaine dose mauvaise fois. Reste l’humour inaltérable de ce lutteur à l’apparente bonhomie. Et sa façon jubilatoire d’envoyer bouler le protocole journalistique, en prenant d’assaut, caméra sous le bras, des citadelles inaccessibles.
Ses rencontres avec Phil Knight, PDG de Nike (dans The Big One), dont les profits sont basés sur l’exploitation d’une main-d’œuvre sous-payée en Indonésie, ou avec l’acteur Charlton Heston (dans Bowling for Columbine), militant ardent du port d’arme et de l’auto-défense, sont des moments inoubliables. Pas seulement parce qu’il pose les questions simples qu’on aimerait tous poser, mais aussi parce que le réalisateur y apparaît totalement sincère, joueur fair-play, attentif à l’adversaire, et complètement désorienté par la folie de l’humanité.
Véronique Cohen
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