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Né en 1916, disparu en 2007, Luigi Comencini a été l'un des grands noms du cinéma italien des années 50 et 70. D'abord considéré comme un simple artisan anonyme, parce que se films remportaient à la fois un grand succès populaire et ne semblaient obéir à aucune logique “d'auteur”, il fut soudain réhabilité lorsqu'on découvrit en France, avec un retard de cinq à dix ans, certains titres restés dans l'ombre. Comencini fut alors “le” cinéaste de l'enfance et de l'adolescence ce à quoi, il répondait que ce goût ne lui venait pas d'une enfance malheureuse et qu'il ne savait l'expliquer. Mais il suffit de voir “L'Incompris”, “L'Argent de la vieille”, “Casanova...”, son “Pinocchio” ou “L'Imposteur” pour ressentir combien le cinéaste a peu d'égal dans la peinture de cette période délicate si souvent caricaturée...
On l'a rangé longtemps parmi ces “artisans” de la comédie que les français appellent “italienne” sans que son nom n'évoque vraiment un univers. C'est qu'il mit, d'abord, tout son art, à servir les scénarios et les acteurs qui passaient entre ses mains, sans se mettre plus en avant. Lui même ne se considérait pas autrement qu'un artisan et, après avoir suivi des études d'architecture et avoir été journaliste (il tient la rubrique culturelle du journal socialiste “Avanti”), il sauta sur la première occasion de réaliser un long-métrage, en 1948 (Proibito rubare-De nouveaux hommes sont nés). Suivit une comédie toute à la gloire de Toto, superstar du moment, L'Imperatore di Capri. On lui doit ainsi, très vite, l'un des plus grands succès du cinéma italien : Pain, amour et fantaisie (1953) avec Gina Lollobrigida et Vittorio de Sica.
Ses films plaisent beaucoup, mais peu de spectateurs peuvent citer le nom de ce réalisateur qui sait mettre grandement en valeur les acteurs : Tutti a casa (La Grande pagaille-1960 ) avec Alberto Sordi, A cheval sur le tigre (1961) avec Nino Manfredi et Il Commissario (1962) Sordi encore, La Ragazza di bube (1963) avec Claudia Cardinale, Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas... (1975) avec Laura Antonelli...
Entre temps, Comencini aura signé des oeuvres beaucoup plus personnelles mais passées à leur sortie, pour la plupart, inaperçues. C'est même à la télévision, média encore très méprisé, à travers le feuilleton Les Aventures de Pinocchio (avec Nino Manfredi et Gina Lollobrigida, en fée) qu'il remporte en 1972, une fois encore, l'adhésion d'un large public. Comencini est d'avantage prisé en France à la fin des années 70.
Car pour alimenter l'engouement du public face à quelques films italiens populaires (Malicia-1973; Parfum de femme-1975; Mes chers amis et Nous nous sommes tant aimés, 1976), les circuits de distrbutions diffusent des films qui n'avaient pas jusqu'àlors eu droit à de tels honneurs. D'anciens films de Monicelli profitent de cette brèche et provoquent l'admiration de la critique comme du public : L'Incompris (1967) dix ans après, devient un classique, Casanova, un adolescent à Venise (1972) et L'Argent de la vieille (Lo Scopone scientifico-1972) font sensation cinq ans après leur réalisation...
Or tous ces titres mettent en valeur la sensibilité extrême du cinéaste vis à vis de l'enfance. Dans le cas de son Casanova, le titre original explicite même le projet du réalisateur : Infanzia, vocazione, prime esperienze du Giacomo Casanova, veneziano : Enfance, vocation, premières expériences de Giacomo Casanova, vénitien. Le film s'achève donc là où tout autre commencerait : lorsque naît la gloire du personnage, son don à accumuler les conquêtes. Comencini aura préfèré explorer les premiers émois et l'éveil sentimental d'un coeur innocent, mais bientôt rompu aux pièges de la société.
C'est en effet un regard extrêmement tendre et aigu que porte continuellement Comencini sur des héros qui sont des enfants ou des adolescents, obligés de se conformer à la violence d'un monde adulte qui les néglige. Même dans L'Argent de la vieille, où règne un quatuor de stars (deux italiennes : Alberto Sordi, Silvana Mangano; et deux américaines : Bette Davis, Joseph Cotten), c'est une fillette qui porte sur son visage silencieux la morale du film et sa conclusion amère.
Comencini est alors reconsidéré sous cet angle d'un grand cinéaste de l'enfance. On se souvient de ses débuts dans le documentaire avec Bambini in citta-1946/47; on analyse désormais ses films sous cet angle (alors que Comencini était négligé parce que trop ecclectique) et les producteurs lui confient des projets où le cinéaste peut mettre à profit cette facette de son talent. Il signe alors Eugenio (Voltati Eugenio-1979) Cuore (1984), adaptation d'un classique de la litterature italienne, Un enfant de Calabre (1987), Marcellino (1991, son dernier film). Lorsqu'il s'aventure sur le terrain attendu de la critique sociale et du persiflage (La Femme du dimanche-1976; Qui a tué le chat ?-1978; Le Grand embouteillage-1979), il se montre moins à l'aise que ses collègues Dino Risi ou Pietro Germi.
C'est que Comencini est définitivement un cinéaste du côté de la compréhension et de la tendresse. Que la chronique soit politique (Delitto d'amore/Un vrai crime d'amour-1974) ou familiale (Joyeux Noël, Bonne Année-1989), ce qu'aime vraiment filmer Comencini, n'est-ce pas l'incroyable faculté humaine à croire la bonté et l'amour toujours possibles alors même que les circonstances semblent crier tout le contraire ?
Philippe Piazzo
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