
Oliveira arrête le cinéma
Oliveira ou l'homme des records. Et d'abord, celui de la longévité, puisque, plus que centenaire, il a continué...
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Dans l'Espagne des conquistadors, l'amour contrarié de Don Rodrigue et Prouhèze... La mythique pièce de Claudel par le plus célèbre des cinéastes portugais.
Dans l'Espagne des conquistadors, Don Rodrigue aime Dona Prouhèze qui le lui rend bien. Mais elle est mariée à Don Pélage et lui reste fidèle. Lorsque meurt Pélage, Don Camille menace de livrer Mogador aux Musulmans si Prouhèze ne l'épouse pas. Prouhèze, par amour pour l'Espagne, cède. Il semble que l'amour de Rodrigue et Prouhèze demeure inaccompli ici bas.
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Plutôt que d’entreprendre une « critique» de ce martre-film, nous avons préféré donner ci-contre la parole à Manoel de Oliveira et à son équ
Plutôt que d’entreprendre une « critique» de ce martre-film, nous avons préféré donner ci-contre la parole à Manoel de Oliveira et à son équipe. Une critique sérieuse de ce Soulier de satin mériterait de toutes façons plus de temps et d’espace, de recul, que nous n’en disposons ici. On se contentera donc de pointer quelques émergences de ce chef-d’œuvre. Claudel, qu’on tient généralement pour précieux et ennuyeux, y est révélé de façon inouïe. Oliveira s’est appuyé sur des acteurs et actrices aux voix choisies, jusqu’aux divers accents, travaillant la diction jusque dans ses moindres intonations (aidé en cela par Jacques Parsi, spécialiste de Claudel).
Peu de films rendent à un tel point un texte (Welles et Shakespeare, Straub et Kafka...); Oliveira, lui, en ressuscite littéralement un. D’aucuns croyaient Claudel un vieux bigot: on retrouve certes dans ce texte sa foi chrétienne, mais riche de mille et unes « bizarreries » hétéroclites (et non orthodoxes), chargé qu’il est de tout un savoureux « bric-à-brac » de mots, de lieux, d’êtres, d’imageries... bigrement païen. Ce texte, vert et baroque, trouve ici sa véritable universalité. Loin de toute bondieuserie desséchée, on baigne dans une démesure verbale et narrative, à l’encyclopédisme kitsch : dans une jouissance du mot toute matérialiste. Loin de l’amour divin abstrait, on nage dans des amours terrestres, humaines (de chair et de sang : écoutez l’ultime tirade de Don Rodrigue).
S'il y a là une passion, c’est bien d’abord et enfin celle de Don Rodrigue pour Prouhèse : celle d’un homme pour une femme. Oliveira, dans sa démarche du théâtre vers le cinéma, de la pièce vers le film, est passé directement par la peinture. Nous assistons à plus, à mieux qu’une pièce de théâtre rejouée en studio : nous voyons des tableaux animés et parlants, des peintures vivantes. Oliveira a exigé de ses comédiens qu’ils ne s’échangent pas de regards et ne se déplacent pas ou à peine : comme dans un tableau, et non comme sur scène. Ils offrent une fixité frontale à la caméra, aux spectateurs. C’est le décor qui « bouge », qui se meut lentement, qui tangue (dans la dernière « journée »). Un décor toujours pictural, il va sans dire, et souvent changeant : Oliveira mentionne ci-contre à quels peintres il a pensé, inséparables de l'époque où se déroule l’action même de la pièce, le XVIéme siècle.
Voici donc un film porté par le texte qu’il sert, et par la peinture qu'il rend ; très loin d'un rapport classique au théâtre, qu’il n’ignore cependant pas. Devant une telle œuvre, la vieille mais toujours actuelle querelle entre académisme et modernité ne tient plus la route. Non pas qu’elle soit dépassée : c’est ce film qui la dépasse, la transcende. Il y a là un état de fusion (texte, tableau, théâtre, peinture, film) certes spécifique à Oliveira et à ce Claudel, mais caractéristiques des plus grands cinéastes : Renoir, Ruiz (l’Hypothèse du tableau volé), Godard (Passion). Oliveira y trouve son état de fusion. Le tout début et l’extrême fin de ce film-fleuve - ou plutôt « film-mer » aux rivages multiples, au bercement unique - sont de toute beauté. Au début, Oliveira effectue un habile et progressif passage de la scène à l’écran : nous sommes au théâtre, la pièce se joue sur les planches, nous pénétrons dans cette pièce (qui devient le film) par une série « crescendo et glissando » de champs/ contre-champs entre un projecteur et la scène.
A la fin au contraire, Oliveira nous révèle brusquement les cintres, au-dessus de la scène qu’il filmait : le chœur qu’on entendait off est là, les coulisses hors-champ se dévoilent, leur révélation coïncide avec la révélation reçue par Don Rodrigue. Car, au début comme à la fin, une même scène : attaché au mât, il prie. Au début, supplie. A la fin, remercie. Entre les deux, le miracle tant attendu qu’on n'y pensait plus a enfin eu lieu. Entre les deux, la magie du cinématographe a si bien opéré qu’on en a « oublié » que « c’était du théâtre » ; la mise en scène a tellement agi qu'on a « oublié » que c’était sur scène. Et si on l’a si bien « oublié », c’est qu’Oliveira ne s’en est jamais caché, tout au contraire. Comme le texte de Claudel, le film d’Oliveira est une truculente et admirable leçon de choses par les choses. De cinéma par le théâtre. D’images par la peinture. De mise en scène par le texte. De rigueur par la curiosité.
" Comme pour ses adaptations précédentes, Manoel de Oliveira choisit d'être fidèle au texte et respecte à la lettre le dispositif léger éla
" Comme pour ses adaptations précédentes, Manoel de Oliveira choisit d'être fidèle au texte et respecte à la lettre le dispositif léger élaboré conjointement par Claudel et Jean-Louis Barrault. On voit donc le théâtre à nu avec son système de poulies, de cordages et de voiles, mais transposé dans l'espace féérique du studio de cinéma qui évoque plutôt Méliès : lune peinte, machines en cartons pour représenter les vagues ou le poisson qui tête, petit moulin à vent enfantin, toiles de fond défilant comme des cartes postales entre deux panneaux de film muet. Quand le dramaturge situe approximativement la scène dans “sierra quelque chose”, le réalisme ne s'impose pas. Un exotisme de vieilles gravures convient mieux à une telle localisation hypothétique. Manoel de Oliveira n'hésite pas à “ manipuler le temps comme un accordéon”, et à faire sien cet univiers négligemment “barbouillé” dont Claudel voulait qu'il ait quelque chose de bâclé et de provoisire (...)
A l'exubérance théâtrale de l'épopée, le cinéaste préfère, conformément à son tempérament et à l'inspiration générale de son oeuvre, la patiente liturgie du texte (...) Tout le travail du cinéaste est concentré sur la mise en place de la voix qui prend la forme d'un exercice spirituel. La parole surgit du fond de la profondeur de champ, comme l'effort et l'oriflamme d'une anamnèse, à l'inverse de ce tourbillon qui dans Amour de perdition engloutit la lettre des amants séparés (...) ... dans ce poème catholique, la parole enveloppe le corps comme un suaire salvateur. Il faut ici prêter l'oreille au tableau et que l'oeil écoute.
Pour préserver le continuum des tirades qu'un travelling parfois accompagne d'un seul trait, le cinéaste évite l'articulation des plans et surtout la coupure du champ contre-champ. Aussi contraint-il les acteurs à un placement frontal qui produit un effet de déclamation. Ce sont des récitants d'une cérémonie simple, rompus à la profération et lisant parfois comme un parchemin déroulé qui matérialise la présence du texte et l'espace de la lecture (...) Le contrepoint de quelques accents protuguais ne rend que plus éclatante la sûreté de la direction d'acteurs et le remarquable travail sur la diction (...)
Le cinéma se définit principalement et ostensiblement, dans cette oeuvre, comme la mise en boîte d'un théâtre d'ombres ondulantes. Le cinéaste a toujours aimé composer un semblable espace de claustration, coffre précieux qu'animent la féérie expressionniste des falots, la lueur d'un vitrail ou l'ombre projetée d'une grille. Dans une des plus belles séquences de la dernière partie, la force quadrangulaire du cadrage montre les petits hommes trapus, paysans de la mer entassés (comme dans une tapisserie) sur les différents ponts d'un navire. le parquet grince et bouge en tous sens selon les différents plans qui font s'élever ou se rapprocher les carrés d'hommes serrés comme des légionnaires romains. Seule la magie noire du cinéma, quand il s'en tient de cette façon au boudoir obscur du studio, peut produire une savante et déroutante indistinction, car on ne sait plus alors si le théâtre, comme un bateau, appareille, ou s'il s'agit de la nef renversée d'une cathédrale de la mer qui lève l'ancre...”
" Quand à 57 ans, en 1925, Paul Claudel publie la première des quatre « journées » du Soulier de satin, notre mystique national de se dou
" Quand à 57 ans, en 1925, Paul Claudel publie la première des quatre « journées » du Soulier de satin, notre mystique national de se doute pas qu'un jeune réalisateur portuguais de 77 ans osera, en 1985, filmer son oeuvre dans l'intégralité. Même Jean-Louis Barrault avait exigé des coupes pour la création à la Comédie-Française en 1953 ! (...)
Sept heures d'images-tableaux et de cascades luxuriantes de mots (...) difficile de faire plus claudélien. Et le résultat surpasse encore l'attente. Apparemment, Oliveira a tué le corps des acteurs et jamais, pourtant, ils n'ont été si présents, opaques ou transparents, vaincus ou vainqueurs. Jamais non plus, la prose claudélienne n'aura chanté si fort dans ce déluge d'images statiques et dépouillées. Quant au regard des acteurs, de plein fouet dans le vôtre, il vous dérange justement jusqu'à faire douter des limites de la réalité. A force d'artifices, Oliveira a retrouvé le vrai (...)
Ses plans-séquences, que rien ne vient interrompre, recréent la fragilité du jeu de l'acteur : le temps y acquiert tout à coup un goût d'éphémère. Et il y a, de plus, la magie des coulisses, l'odeur du spectacle en train de se faire; ou du film en train de se tourner, on ne sait plus bien..."
" Oliveira est le grand maître de la recomposition de tous ces éléments qui font un film. Le texte étant intégralement celui des dialogues d
" Oliveira est le grand maître de la recomposition de tous ces éléments qui font un film. Le texte étant intégralement celui des dialogues de Claudel, Oliveira s'exprime par cette recomposition des éléments qui travaille son sujet au plus profond et où on ne sait plus si l'on est en face d'une représentation filmée ou de la théâtralisation d'un film. Bref, un film qui ne ressemble jamais à ce qu'on peut voir dans la rue ou sur les écrans, ce qui est souvent, malheureusement, la même chose, sauf qu'il y a plus de surprises dans la rue.
Dans Le Soulier de satin-film, il y a autant de surprises que dans la rue, et le texte de Claudel est aussi compact que la réalité. Il en sort beau et vrai, comme pour reprendre l'expression de Gide, un cyclone figé..."
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