Kaouther Ben Hania : "L’enjeu d’un documentaire est d’interroger"
La réalisatrice du corrosif Challat de Tunis perçoit son film comme le symptôme d'une époque perdue entre traditio1
Une jeune réalisatrice décide d’enquêter pour élucider le mystère du Challat de Tunis : un homme à moto qui balafrerait les fesses des femmes...
Tunis, avant la révolution. En ville une rumeur court, un homme à moto, armé d’un rasoir, balafrerait les fesses des femmes qui ont la malchance de croiser sa route. On l’appelle le Challat, “le balafreur”. Fait divers local ? Manipulation politique ? D’un quartier à l’autre, on en plaisante ou on s’en inquiète, on y croit ou pas, car tout le monde en parle… sauf que personne ne l’a jamais vu. Dix ans plus tard, sur fond de post-révolution, les langues se délient. Une jeune réalisatrice décide d’enquêter pour élucider le mystère du Challat de Tunis. Ses armes : humour, dérision, obstination.
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" (...) Quatre ans après la révolution du jasmin, la cinéaste tunisienne (native de Sidi Bouzid) Kaouther Ben Han
" (...) Quatre ans après la révolution du jasmin, la cinéaste tunisienne (native de Sidi Bouzid) Kaouther Ben Hania mène l’enquête. Caméra à l’épaule et micro à la main, elle va de maison en maison et de la prison au palais de justice pour tenter de retrouver le cisailleur de miches. Elle veut moins lui demander des comptes que des explications.
En chemin, elle interroge un imam pour qui le sexe féminin est le diable, un avocat libéral, des comédiens réunis pour le casting du Challat, la créatrice d’un test urinaire de pureté : le "vaginomètre", l’inventeur d’un jeu vidéo dont le Challat est le héros, mais aussi des femmes qu’il a traumatisées, enfin le prétendu coupable et sa mère adorée.
Le film est si bien fait, si intelligemment réalisé, si finement interprété et si roublard qu’on croirait voir un documentaire de la meilleure eau. Or, si le fait divers est authentique, l’investigation – et son cortège de saynètes aussi loufoques que crédibles – est imaginaire.
Avec l’humour des meilleures satires et l’audace des plus savantes supercheries, l’envoyée spéciale Kaouther Ben Hania prêche donc le faux pour obtenir le vrai et dévoiler – sans jeu de mots – la persistante misogynie d’une société masculine encore accrochée, malgré son "printemps arabe", à ses traditions, encore affolée par la modernité et paniquée par les postérieurs. Elle balafre le réel comme le Challat, les femmes. Du coup, la cinéaste invente un genre hybride et provoque des émotions composites, où le doute le dispute à la certitude et le rire, à la colère. Rumeur pour rumeur : c’est un très bon film. "
" (...) Dans ce second long métrage de Kaouther ben Hania (après Les imams vont à l’école), la
" (...) Dans ce second long métrage de Kaouther ben Hania (après Les imams vont à l’école), la cinéaste tisse, à partir de ce fait divers, la trame d’un étonnant " documenteur " en forme d’enquête urbaine - à la manière de l’Hypothèse du Mokele M’Bembé (2011). Sous les verrous ou en liberté, cette légende urbaine se prête à tous les délires interprétatifs : " C’est la métaphore de notre culture arabe ", avance un quidam au café du commerce. " Dans le Coran, il n’y a pas écrit balafrez-vous les uns les autres ", lui rétorque-t-on.
Débusqué dans la maison familiale, un certain Jallel finit par revendiquer fièrement le méfait : la baudruche se dégonfle, le fier-à-bras se révélant un vieux garçon infantile, amoureux de sa mère. Le film fourmille de trouvailles ironiques, comme ce jeu vidéo prisé dans les cybercafés dont l’enjeu consiste à embrocher les postérieurs féminins les plus rebondis et donc indécents, en toute objectivité. Jusqu’au test urinaire administré à l’insu d’une épouse potentielle, gage de sa conduite irréprochable.
La dérobade du scélérat monomaniaque participe d’un égarement où se confondent vraisemblable et véridique. Ce brouillage des pistes permet à Ben Hania d’ausculter sa patrie post-révolution à l’aune de rapports hommes-femmes fortement inégalitaires. Un regard critique qui confronte du même coup le spectateur à ses propres stéréotypes (sur le Maghreb, la religion musulmane).
Au chevet d’une jeunesse égarée, le Challat prend l’inquiétant visage d’une frustration sexuelle chronique (" heureusement que je m’en prends aux filles, sinon je m’en prendrais à moi ", entend-on). Relayée par une démonstration par l’absurde, la satire s’emploie à opposer la rationalité à la misogynie, en démantibulant des discours aussi dérisoires que fumeux. "
" (...) Dans Le Challat de Tunis, il y a donc de vraies et de fausses victimes, de véritables pièces à convi
" (...) Dans Le Challat de Tunis, il y a donc de vraies et de fausses victimes, de véritables pièces à conviction et d’autres fabriquées, des acteurs, des personnages incarnant leurs vrais rôles mais jouant la comédie et de véritables témoignages.
Des faits avérés et des mensonges provoqués ou subis par la réalisatrice. Mais le spectateur peut ne pas s’en rendre compte, la part de supercherie n’étant dévoilée que par quelques détails dans le générique et sur l’affiche, désignant le film comme une " comédie ".
Il en résulte un tourbillon de doutes, d’indignations, d’amusements, et, pour finir, un premier long métrage d’une extrême intelligence qui interroge " la nature du genre documentaire dans nos sociétés exposées plus que jamais à une avalanche d’images “certifiées conformes à la réalité” ", quel que soit leur régime politique.
En détournant les codes de l’investigation, la réalisatrice entend également interpeller par l’ironie " tous les gens qui ont un Challat qui sommeille en eux " et fait entendre la colère, bien réelle, de femmes tunisiennes."
"Déjanté et imprévisible, il n'en finit pas de nous dérouter, de nous amuser, de nous sidérer. S
"Déjanté et imprévisible, il n'en finit pas de nous dérouter, de nous amuser, de nous sidérer. Son audacieuse écriture creuse avec humour et légèreté le thème du machisme oriental qui, paradoxalement, se révèle alors profondément pathétique et triste par-delà sa violence manifeste. "
Retrouvez le texte complet sur le site de l'ACID.
L'ACID est une association née en 1992 de la volonté de cinéastes de s'emparer des enjeux liés à la diffusion des films, à leurs inégalités d'exposition et d'accès aux programmateurs et spectateurs. Ils ont très tôt affirmé leur souhait d'aller échanger avec les publics et revendiqué l'inscription du cinéma indépendant dans l'action culturelle de proximité.
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