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Peter Weir entreprend brièvement des études de droit, puis d'arts à l'Université de Sydney où il rencontre Philipp Noyce (Calme Blanc) et les membres d'un collectif de cinéma expérimental, Ubu Films.
A 20 ans, fasciné par les récits d'aventures que lui racontait son père étant enfant, il embarque sur un bateau de croisière en direction de Londres et rencontre, au cours de ce voyage sa future femme, Wendy Stites, qui sera conseillère artistique sur une grande partie de ses films. Ce périple de jeunesse, de plusieurs semaines, résonne aujourd'hui comme un avant-goût de son grand film d'aventures maritimes hollywoodien, Master and Commander avec Russel Crowe. Un échec au boxoffice qui, en 2003, a fait de l'auteur du Cercle des poètes disparus et The Truman show, un véritable paria aux yeux des studios. Pensant financer une succession de batailles navales spectaculaires, les dirigeants d'Universal auront été troublés par cette course poursuite psychanalytique privilégiant les moments intimistes et la description très crue de la communauté maritime.
Il lui faut attendre sept ans avant de signer un nouveau film, Les Chemins de la liberté (The way back, 2010), inspiré du récit authentique d'évadés du Goulag, et les financements ont dû être trouvés loin d'Hollywood.
La carrière de Peter Weir est ainsi cahotique mais témoigne surtout d'une volonté du cinéaste de rester libre, y compris à l'intérieur d'un système. Débutant à la télévision australienne comme assistant de production entre 1964 et 1968, intégrant ensuite le Commonwealth Film Unit, il consacre son temps libre à la réalisation de courts métrages (Incredible Floridas) et de documentaires, notamment sur les groupes de musique pop australienne.
Les prix qu'il reçoit alors lui permettent d'être repéré par ABC Australie qui lui demande de se pencher sur les quartiers pauvres de Sydney (Whatever Happened to Green Valley). Il décide d'offrir aux habitants des caméras pour qu'ils se filment. Ceux-ci constitueront progressivement différents groupes. Et tout ce qui va constituer la clé de voute de son oeuvre se retrouve dans ces premiers travaux : la peinture des communautés, l'intérêt pour l'expérimentation visuelle et sonore (donnant naissance à une inquiétante étrangeté), le goût de l'aventure...
En 1972 avec Homesdale où il fait jouer son ami Philipp Noyce, il obtient le Grand prix de l'Australian Film Institute et ce moyen métrage lui permet de réaliser un premier long, Les Voitures Qui Ont Mangé Paris, récit fantastique où, en plein bush, une société secrète provoque des et transforme les pièces détachées des voitures en monnaie. On perçoit dans ce film une satire sur la psychologie des Australiens qui refoulent derrière leurs institutions démocratiques, l'origine criminelle de leurs ancêtres britanniques bannis sur l'île prison que fut l'Australie au 18e siècle. Loufoque, ce film est aussi l'un des premiers films financé par l'Etat australien. Une nouvelle génération de cinéastes australiens est ainsi en train de naître, parmi lesquels Philipp Noyce (Jeux de Guerre) et George Miller (Mad Max).
C'est avec son second long métrage que Peter Weir accède à une large reconnaissance internationale : Pique-nique à Hanging Rock, adapté d'un fait divers romancé par Joan Lindsay, est un nouveau portrait de groupe, celui de jeunes filles d'un internat chic qui disparaissent mystérieusement. A la description des occupations ritualisées des écolières s'opposent les mythologies des traditions aborigènes. Remarqué par Stanley Kubrick, le film devient une référence du cinéma fantastique et inspire notamment Sofia Coppola (Virgin Suicides) et Lucile Hadzihalilovic (Innocence) qui recomposent pour leur compte son atmosphère ouatée et inquiétante.
En 1976, Peter Weir réalise La Dernière Vague, magnifique conte moderne philosophique qui confronte les institutions australiennes héritières des structures sociales occidentales avec l'organisation tribales des aborigènes bâtie sur la culture du secret et des mythologies.
Avec Le Plombier, resté inédit en France et tourné à l'origine pour la télévision, il met en scène une anthropologue plus à l'aise dans les bibliothèques que parmi les communautés qu'elle étudie. Au point que la communication avec son plombier tourne au cauchemar; hommage à Hitchcock, Le Plombier est un pur exercice de style.
Dans Gallipoli, tout en cherchant à "faire voyager les spectateurs", le cinéaste raconte le massacre inutile de milliers de soldats australiens à la fin de la seconde guerre mondiale en Turquie. Et alors qu'il a offert à Richard Chamberlain son premier rôle d'envergure dans La Dernière Vague, c'est au jeune et inconnu Mel Gibson qu'il offre le premier rôle dans Galipoli dont on devine l'ambition internationale.
En 1982, Peter Weir signe son premier film américain, L'Année de tous les Dangers où Mel Gibson (devenu star entretemps grâce à Madmax) rencontre Sigourney Weaver dans le tumulte de l'Indonésie des années 60. Deux ans après, avec Witness, il plonge un Harrison Ford citadin dans la communauté religieuse des Amish. Il prendra un malin plaisir à pousser plus loin la situation pour son film suivant, Mosquito Coast, dans lequel le personnage interprété par Harrison Ford décidera d'emmener toute sa famille en Amazonie loin de la société de consommation. En 1989 Peter Weir réalise son film le plus célèbre, Le Cercle des Poètes Disparus, où un jeune étudiant (Ethan Hawke) est fasciné, comme ses camarades, par un professeur de littérature hors normes (Robin Williams). Pourtant salué par l'académie des Oscars, et triomphant dans le monde entiern ce film ne fera pas sortir Peter Weir de la dépression consécutive à l'échec de Mosquito Coast.
C'est dans cet état d'esprit qu'il tourne Green Card, conçu comme une comédie légère dans laquelle un immigré (Gérard Depardieu) est en butte avec les institutions de l'immigration américaine. Récit à peine déguisé des mésaventures de Peter Weir lui-même et de ses problèmes avec les financiers d'Hollywood.
Etat Second est un retour à la sobriété et à l'étrangeté qui caractérisent son cinéma. Rescapé d'un crash d'un avion de ligne, Jeff Bridges se croit invulnérable au grand désarroi de son entourage. Un film mineur qui inspirera tout de même la série de JJ Abrahams: Lost ainsi qu'Incassable de Night Shyamalan.
Peter Weir semble toujours aussi inclassable lorsqu'il renoue malgré tout avec le public et la critique grâce à The Truman Show, qui intrigue notamment par la performance inhabituelle de Jim Carrey, hors de son territoire grimaçant de Ace Ventura et The Mask. Sur un scénario d'Andrew Niccol (Bienvenue à Gattaca), le cinéaste imprègne le film de ses obsessions et y ajoute un regard sarcastique sur la société du spectacle. Une façon d'affirmer l'indépendance qu'il place au dessus de tout, et qui lui coûtera, malgré le succès, la possibilité de mener désormais ses projets personnels au sein du système financier traditionnel.
Gaël Martin
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