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En quittant l'école, il hésite entre plusieurs métiers et postule pour chacun d'entre eux : policier, agent des télécoms, footballeur ou travailler à la télévision. La chaîne TVB l’embauche comme agent administratif.
Après ses journées de bureau, To déambule sur les plateaux où l'on tourne des feuilletons et dans la salle de mixage, pour en apprendre d'avantage. Le soir, il suit les courts d'art dramatique de la chaîne. Progressivement, il devient assistant de production, scénariste et, en 1977, réalisateur de séries de télévision.
L'année d'après, il est chargé de la mise en scène de son premier long métrage, The Enigmatic Case. Johnnie To ne trouve pas l'expérience concluante et revient pendant un temps aux séries télévisées. Il y peaufine ses compétences techniques et de production (tournages rapides et peu onéreux, respect des délais). Il se met ensuite sous la protection du producteur Raymond Wong Pak-Ming avec qui il travaille entre autres sur City Happy Ghost 3 (co-réalisé avec son ami Ringo Lam), puis il collabore à la société de production de son ami Tsui Hark (The Big Heat dont il reprend la réalisation suite à l'éviction d'Andrew Kam). Réalisateur réputé et à succès en Chine, il se fait mondialement connaître en co-réalisant The Heroïc Trio et sa suite qui voient les débuts de grandes stars féminines Anita Mui, Michelle Yeoh et Maggie Chung.
Son besoin d'indépendance le pousse à créer sa société de production Milkyway Image. Il utilise ses compétences acquises à la télévision pour alterner des projets peu couteux mais bénéficiaires (Seven Years Itch et The Eight Happiness avec Bak-Ming Wong) et des projets plus personnels (All About Ah Long avec Chow Yun-Fat) dont il n’attend pas de retombées économiques. Sa société va, ensuite, lui permettre de produire des films commerciaux dont il n’a pas la paternité mais qui portent néanmoins sa marque (Beyond Hypotermia de Patrick Leung, ou The Longest Nite de Patrick Yau) tout en lui donnant la liberté économique d'expérimenter sur ses propres films. Ainsi, il préfère tourner sans scénario, laissant Wai Ka-Fai cofondateur de Milkyway, écrire le script directement pendant le tournage.
Son film phare, The Mission, est réalisé dans ces conditions. Ce film, tout comme Running Out Of Time tourné la même année, est un précis cinématographique qui dévoile le système Johnnie To.
Son cinéma est mathématique : l’histoire (les scénarios de ses films fourmillent de détails qui se répondent et s'emboîtent) comme les décors (les formes géométriques, comme le triangle, sont constamment présents) et les personnages (ils se fixent des trajectoires en ligne droite tout en se jouant de l'architecture urbaine).
Tout est question d'arithmétique, l'interprétation des acteurs accentuant ou allégeant les opérations. Employant chaque acteur pour une qualité propre, Johnnie To les utilise et les réutilise de façon à améliorer sa formule : Andy Lau, Simon Yan, Lam Suet ou Lau Ching Wan se retrouvent ainsi de films en films, avec Hong-Kong comme scène de théâtre.
Running Out Of Time introduit également une donnée importante du cinéma de Johnnie To : le fatalisme enjoué. Se sachant condamné par une leucémie, Andy Lau provoque Lau Ching-Wan pour la beauté du geste. Il est aussi question de maladie (kleptomanie et leucémie) et de jeu dans son remake inavoué, Yesterday Once More, l'une de ses rares comédies romantiques qui soit arrivée en Occident. La qualité de cette romance entre cambrioleurs vient contrebalancer l'échec artistique de la séquelle de Running Out Of Time. On retrouve de façon prégnante dans chacun de ses films cette présence de la mort, et du jeu comme moyen d’oublier la fragilité de la vie. Pour Johnnie To, il n'y a pas d'espoir et c'est bien pour cela qu’il faut la saisir.Salué par les cinéphiles occidentaux et toujours plus populaire en Asie, il comble tout le monde avec Full Time Killer. On devine que Johnnie To comme producteur et comme réalisateur se fait tout autant plaisir : Ce film synthétise tout son cinéma. Cette histoire de triangle amoureux et de rivalité entre tueurs à gage (dont l’un est atteint d’épilepsie) est également un jeu avec le spectateur que le réalisateur interroge à chaque plan sur sa culture visuelle (cinéma, télévision et jeux vidéos).
Il faut sans doute voir l'influence des jeux vidéos (Counter-Strike) dans la mise en scène épurée de PTU, son film le plus expérimental. Pendant trois ans, il tournera le dimanche dans son quartier fétiche, de nuit, durant les deux seules heures de la semaine où toutes les activités humaines cessent. Une fois Hong-Kong vidée de sa population, il ne reste que la troupe de Johnnie To perdue dans un monde quasi virtuel. Quelques années après la rétrocession de Hong-Kong la capitaliste à la Chine communiste, le cinéma de Johnnie To se montre amer, décrivant un pays aux mains d'oligarques sans scrupules (Breaking News, ou le diptyque Election 1 et 2 qui montre comment la rétrocession a été l'occasion pour les triades de se lier aux dirigeants chinois pour contrôler le territoire et les bénéfices des richesses du pays).
Après avoir réalisé Exilés (fausse suite de The Mission) il retrouve ses deux amis Ringo Lam et Tsui Hark revenant des Etats-Unis pour un cadavre exquis cinématographique : Triangle. Après un film honnête (Mad Detective) et un petit bijou nostalgique (Sparrow) il réalise en 2009, Vengeance, véritable déclaration d'amour au polar français (Le Samouraï) où Johnny Hallyday joue un père atteint de la maladie d'Alzheimer venant à Hong-Kong pour venger la mort de sa fille (Sylvie Testud). Johnnie To, qui espérait filmer son idole Alain Delon dans Vengeance, n'a pas renoncé : il en est encore question pour un remake du Cercle Rouge de Jean-Pierre Melville..
Gaël Martin
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